7 / Aveugles

269 44 6
                                    

La veille, après avoir discuté avec Aren, son désir de Camille avait été si fort que Dresden avait hésité à monter dans la chambre de l'étudiant pour lui révéler la complexité de la situation... Enfin, surtout pour le posséder physiquement comme un sauvage. Au pied du bâtiment, il s'était retenu, puis s'était forcé à s'éloigner, conscient que ça n'aurait pas été une bonne entrée en matière avec son Kachnefer. Il ne pouvait en aucun cas entamer une relation de manière aussi désastreuse avec celui qui resterait à ses côtés pour l'éternité ! Si Camille ne voyait pas un homme comme une possibilité amoureuse, il devait l'y amener sans provoquer un drame.

De retour dans son appartement, Dresden avait rêvé du jeune homme toute la nuit, avait imaginé une multitude de plans pour l'aborder, pour lui parler, le séduire, l'embrasser... à chaque fois, il gardait son calme, maîtrisait parfaitement la situation, était lui-même, en somme. Rien à voir avec ce qui venait de se passer... Bordel !

Le cœur de Dresden avait littéralement implosé en voyant apparaître Camille en haut des marches. Il s'était noyé dans ses yeux sans pouvoir rien y faire. Puis, cette apparition avait provoqué un cataclysme de sentiments contradictoires. D'abord, charmé par son petit visage renfrogné, et ses airs de guerriers de l'aube, Dresden avait souri involontairement, provoquant chez le jeune homme une réaction encore plus violente. Pas de rougissement, ni de confusion. Juste de la colère froide et implacable, qui avait aussitôt trouvé un écho chez Dresden.

Puis, il avait réalisé que la force que Camille mettait à le repousser, était sans doute dû à l'intensité de son propre combat intérieur. L'étudiant n'était en rien indifférent. Il luttait contre ce qu'il ressentait. Contrairement à Dresden, qui avait accepté d'être attiré par un homme, alors qu'il se pensait hétéro, Camille n'arrivait pas à sauter le pas. Le vampire songea à ce que Aren lui avait dit sur la perturbation que ça aurait provoqué si son Kachnefer avait été une femme, alors qu'il était, lui, définitivement attiré par les hommes.

Dresden imaginait que Camille allait devoir briser un certain nombre de barrières morales et sociales qui avaient été érigées depuis son enfance. Ça n'était donc pas simple pour lui. Le vampire le comprenait d'autant plus que l'étudiant ignorait la force invisible à l'œuvre dans leur attirance mutuelle. Dresden avait un coup d'avance.

Néanmoins, rien ne progresserait entre eux si Camille refusait toute confrontation, toute discussion. Fallait-il lui laisser plus de temps ? Lui foutre la paix, tout simplement ? S'effacer ? Que fallait-il faire pour l'amadouer ? Dresden voulait juste essayer de lui parler ?! Même si le jeune homme luttait contre ce que son corps et son cœur tentaient de lui imposer, il n'avait pas besoin d'être aussi agressif avec lui ?! Si ? Après sa dernière réplique, le Znūntāk avait été pris d'une envie irrépressible de tout envoyer balader.

Mais c'était illusoire. Il n'en était pas capable. Dresden frappa son volant plusieurs fois avant de poser son front dessus, terrassé par une douleur violente au niveau du cœur.

— OK. C'est bon. J'ai compris, murmura-t-il. Je vais continuer d'essayer.

Dresden enrageait. Lui qui ne craignait aucun ennemi ou presque, allait être vaincu par des putains de sentiments sur lesquels il n'avait aucun contrôle ! Immédiatement, il sentit un effleurement, comme une plume invisible et apaisante, qui aurait frôlé sa peau depuis le bas de son dos jusqu'à son épaule, pour atteindre ensuite son poignet. Il remonta un peu sa manche de chemise avec un triste sourire.

— Tu le ressens aussi, n'est-ce pas, ce fichu Yāasht ? Je me demandais si tu pourrais m'aider à lutter contre le lui, mais je vois que tu es comme moi. Aucun soulagement à attendre sans lui.

L'ombre encrée qui parcourait son corps sans entrave, bougea encore pour laisser apparaître un bref instant, la tête d'un faucon. Puis la forme s'enroula pour repartir à sa place initiale, entre les omoplates de Dresden, ne laissant sur la peau du bras que des nuages stylisés et des formes alambiquées.

De notre sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant