23 / L'histoire en marche

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Camille s'était assise lourdement sur son lit, abandonnant au passage, son sac sur le sol et le livre sur la table. Elle fixait d'un regard absent le mur à la peinture écaillée face à elle. Elle était en état second. Que venait-il de se passer, là, dans ce couloir ? Ça aurait paru évident à n'importe qui, mais pas à Camille qui luttait de toutes ses forces pour ne pas obéir aux injonctions que son cœur et son corps semblaient ne pas vouloir cesser de lui imposer. Elle se voulait maîtresse de son existence. Elle voulait que l'esprit et la volonté triomphe. Belle gageure en l'instant présent.

Le claquement d'une porte la fit sursauter. Le dimanche, la résidence était relativement tranquille. Surtout à son étage où la plupart des chambres étaient occupées par des filles. Beaucoup de boursières comme elle, qui savaient que leur avenir était corrélé à leurs résultats scolaires. À elles, on ne leur laissait pas le choix. C'était : accepte l'indigence de ta situation, les repas infectes, l'insalubrité de ta vie entière et étudies ou retourne dans le caniveau d'où tu sors ! Tous les boursiers se résignaient-ils ? Certes, non, mais ils étudiaient, oui, car on n'en arrivait pas là pour abandonner. Au début au moins.

Camille, elle, avait l'impression de vivre la situation en accéléré. Au bout de sept mois, elle savait déjà que sa vie ne se résumerait pas à ça. Elle étudiait, motivée et volontaire, mais elle savait que les choses changeraient bientôt. Une fois qu'elle aurait été à l'étranger. Une fois que ses yeux se seraient ouverts sur le monde. Une fois qu'elle aurait fait mille découvertes incroyables, - car elle était sûre que ce voyage lui serait bénéfique -, elle reviendrait confortée dans ses résolutions. Elle saurait.

Alors quoiqu'en pense la bande d'Antoine, quoiqu'elle ressente face à ce Dresden Asterios, elle partirait pour bâtir son avenir comme elle l'entendait. Raffermie dans ses résolutions, Camille se leva enfin pour attraper son sac, qu'elle déposa sur son unique chaise, près de la table. Elle en sortit son téléphone qu'elle avait vaguement entendu tinter lorsqu'elle somnolait dans la voiture.

Lara lui avait laissé un milliard de messages.

Tous de la même teneur : elle s'excusait de lui avoir imposer le week-end alors qu'elle devait être crevée de sa semaine. Elle s'excusait d'avoir trop parlé aussi. Lui pardonnerait-elle ? Elle jurait de ne plus jamais tenter de lui imposer des amis d'enfance de son frère.

Des amis d'enfance de son frère ? Ça pouvait expliquer un certain nombre de choses. La différence d'âge et le comportement protecteur en premier lieu. Et aussi l'intérêt porté par des vétérans de la fac à des noobs. Camille soupira.

Elle ne savait pas quoi faire. Même si Antoine lui avait affirmé que Lara n'était au courant de rien, Camille ignorait si elle pouvait le croire. Elle connaissait la violence verbale et la contrainte physique, mais aussi la pernicieuse persuasion qui vous faisait faire de mauvais choix et vous induisait en erreur de manière fatidique. Antoine et ses amis lui dissimulaient trop de choses pour qu'elle puisse avoir un jugement clair, et donc, croire en leur parole. Elle ne parlait même pas de leur faire confiance. Ça, elle savait déjà que ça prendrait du temps, si même ça arrivait.

Alors que faire. Si on lui mentait ? Et si son amie faisait partie des conspirateurs ? C'était bien cette information qui lui ferait le plus mal. En sept mois, elle avait placé en Lara le peu de confiance qu'elle était capable de donner à quelqu'un. Alors, imaginer que la jeune femme l'ait trahie, la rendait malade. Même pas furieuse. Malade. Camille s'était fait quelques copines à la fac, mais elle n'avait qu'une seule amie : Lara. La perdre allait la rendre malheureuse, elle le savait déjà et ne parvenait pas à rejeter cette souffrance qu'elle appréhendait.

Elle sentit son cœur se serrer si fort qu'elle porta la main à sa poitrine, comme si on venait de lui donner un coup. Après qu'il ait explosé dans le couloir à cause d'Asterios, ça faisait beaucoup en si peu de temps. Pourquoi devait-elle subir tout ça, alors qu'elle ne cherchait pas à ressentir d'émotions en particulier ?

De notre sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant