— Rien. Nothing. Nada. Niente... La loose totale.
— Pas la loose. C'est juste que ça n'est ni l'air, ni l'eau, ni le feu, ni la lumière, ni les ténèbres...
— Et pas non plus tout le reste. Je ne lis pas dans les pensées. Je ne projette pas la douleur. Je ne déplace pas d'objet. Je ne suis pas un radar à méchants. Je ne suis pas hyper rapide. Ni hyper forte... énuméra Camille en comptant sur les doigts de ses mains.
— Pour la force et la vitesse, ça va venir... Laisse toi du temps. Ton corps se réadapte. Il ne va pas le faire en si peu de temps. Moi, je me souviens, qu'il m'a fallu plus d'une année avant d'arriver à mon potentiel physique maximum.
— Mais ton don ? D'ailleurs, c'est quoi ton don ?
— Je n'en ai pas.
— Peut-être que moi non plus, après tout ! Pourquoi j'en aurais un ?
— Pourquoi pas ?
— Mais tu vois bien que rien ne fonctionne ! L'eau ne me murmure pas à l'oreille, le feu non plus et...
— C'est bon, Camille. Je comprends ta frustration, mais il faut quand même essayer. Quand un don se déclare sans que la personne n'y soit préparée, ça peut être dangereux.
— Mais, on a tout essayé, non ? À part la terre... On n'a pas essayé la terre, mais j'imagine que je sentirais un truc, vu que je marche dessus...
— À ma connaissance, il n'y a jamais eu aucun Znūntāk doté d'un don lié à la terre. Mais on essayera si tu veux. Et puis, je trouverais bien quelques nouvelles idées pendant mon absence. En attendant, soit sage.
— Sage ? Mais je suis toujours sage ?!
— C'est ça, oui ?! Qu'est-ce que tu as prévue comme plan d'évasion ? Au moins, je suis sûre que tu ne pourras pas te servir de l'océan pour te porter jusqu'à une autre destination !
— C'est pour ça que tu voulais savoir si j'avais des affinités avec cet élément ! s'exclama Camille en riant.
— Entre autres choses. Mais pas que. J'aurais vraiment voulu savoir avant de partir. Ça aurait évité que je m'inquiète avant que tu ne disparaisses.
— Tu es tellement sûre que ça va arriver que je me demande si tu n'as pas un don de prescience ?
— Si c'était le cas, je saurais comment tu vas t'y prendre et je t'en empêcherais.
— Tu tiens tellement à ce que je reste sur cette île ?
— Je veux que tu restes avec nous, parce que, même si tu n'en as pas conscience, c'est bien ta meilleure chance de survie. Quand on est Znūntāk, demeurer seul est une porte vers la folie et le sang. Demande à Sola.
***
Dresden observait d'en bas les deux femmes qui discutaient sur le promontoire. Il sourit en entendant le rire clair de Camille. Elle allait lui manquer à en crever, c'était sûr. Il sentait déjà en lui, la pointe du poignard lui fendre l'âme. Il soupira et commença à monter vers celle qu'il allait quitter avec une pierre dans le cœur, celle qu'il allait perdre, mais qu'il suivrait jusqu'au bout du monde s'il le fallait.
— Dresden ? Tu n'es pas en train de préparer tes affaires ? s'exclama Lucie en le voyant.
— J'ai fini. Tu nous laisserais seuls, Camille et moi, s'il te plaît ?
— Bien sûr, acquiesça Lucie en partant, un doux sourire aux lèvres.
Camille fixait Dresden sans comprendre la raison de sa présence. Elle s'était montrée froide et cassante avec lui depuis leurs derniers affrontements, et encore plus depuis que la Matriarche était arrivée. Elle ne s'attendait pas au regard qu'il posait sur elle. Cet air doux et ravageur qui révélait sans fard toute la souffrance qu'il endurait à cause d'elle, mais qu'il ne lui reprochait pas.
— Je voulais te donner ceci avant mon départ, dit-il en lui tendant un petit sachet de velours.
— C'est quoi ? demanda la jeune femme en ouvrant le sachet.
— Un médaillon. J'aimerais que tu le portes.
Camille tournait et retournait le bijou dans sa main sans comprendre. C'était un ovale de quelques centimètres, finement ciselé de feuilles délicates en or et argent, au bout d'une chaîne douce au toucher.
— C'est joli, mais pourquoi un tel cadeau ?
— Je ne peux pas t'offrir quelque chose... avant de partir ?
Il disait ça, comme s'il savait qu'elle allait le quitter. C'était vraiment à se demander si quelqu'un ne leur avait pas annoncé à tous, sa fuite potentielle. Camille suspecta encore Mathilde. La Matriarche cristallisait vraiment toute sa colère désormais.
— Si. Si. Mais...
— S'il te plaît, Camille. Si tu essayais de ne pas refuser quelque chose qui vient de moi pour une fois, dit-il en se mettant derrière elle pour le lui accrocher autour du cou.
— Ça n'a rien à voir, dit Camille, boudeuse, mais elle se laissa faire.
Elle trouvait le médaillon joli. C'était la première fois qu'on lui offrait un cadeau aussi précieux. Elle le tourna entre ses doigts avant de relever le visage vers Dresden qui s'était remis face à elle.
— Il te va bien. J'aimerais que tu le portes en permanence.
— Pourquoi ? demanda Camille soudain suspicieuse.
— Il te protégera, se contenta-t-il de dire avant d'amorcer son départ.
— Attends ! dit la jeune femme en le retenant par le bras.
Camille sentait toutes ses contradictions tourbillonner en elle, s'entrechoquer, la perdre. La souffrance du Znūntāk ne la laissait pas indifférente, et elle ne pouvait se résoudre à l'abandonner aussi brutalement. Elle s'approcha alors de lui, et, se hissant sur la pointe des pieds, elle déposa un baiser léger sur ses lèvres.
Évidemment, Dresden ne pouvait pas se contenter de si peu. Il l'enlaça aussitôt, et le baiser devint fougueux et passionné. Une main dans ses cheveux, l'autre la pressant contre son corps, il cherchait à s'imprégner d'elle. Il voulait retenir son odeur. Il voulait une empreinte invisible tatouée sur sa peau. Puis il quitta ses lèvres à regret en entendant l'appel d'Indra comme un souffle dans son esprit. Il ne pouvait refuser d'obéir à Mathilde. Elle était leur Matriarche, et son rôle d'exécuteur auprès d'elle, était indispensable à la communauté.
— Ne te mets pas en danger, murmura-t-il avant de la quitter.
Elle réalisa qu'il agissait comme s'il savait qu'elle ne serait pas là à son retour. Pourtant, il ne l'enchaînait pas au lit, ni ne la menaçait. Il partait. C'était-il fait à l'idée qu'elle ne serait pas à lui ? Elle l'espérait. Elle l'espérait vraiment ? Elle espérait surtout s'en convaincre.
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De notre sang
RomansaCamille est un être double. Par son prénom et son physique, elle brouille les pistes. Elle cache un lourd secret qui l'a forcée à être ce qu'elle est : indépendante et méfiante à l'excès. Sa rencontre avec un inconnu, aussi énervant qu'inquiétant, l...