De notre sang

69 / Reconnaître ses alliés

Alors qu'Indra n'était plus là pour lui souffler l'humeur que pouvait avoir Camille, la Matriarche comprit au regard perdu de la jeune femme, qu'il lui faudrait faire bien plus pour qu'elle lui pardonne ses faiblesses, car il s'agissait bien de ça.

— Dresden, Aren, entrez. Nous vous rejoignons tout de suite, dit-elle avant que les deux hommes n'obtempèrent, la laissant seule avec la jeune femme dont le visage venait de se renfrogner.

Camille recula d'un pas. Prête à fuir au besoin. Elle n'aimait pas être seule avec Mathilde. Pas de confiance possible pour le moment.

— Camille. Je sais que nous sommes parties du mauvais pied, toutes les deux, mais...

— Du mauvais pied ? C'est un peu léger, non ? Vous m'avez fait du mal dans le seul but de me soumettre !

— C'est vrai, et je n'en suis pas particulièrement fière. Je le regrette. Je regrette d'avoir fait confiance à Indra, de m'être laissée bercer par l'illusion de maîtrise qu'elle m'apportait. Je n'ai pas su voir la faille. Et je t'ai fait du mal alors que j'aurais dû être heureuse que Dresden ait réussi à te donner l'éternité. J'aurais dû me réjouir de la venue d'une nouvelle Znūntāk forte et puissante. Je sais que c'est difficile pour toi, mais j'aimerais que tu acceptes mes excuses, Camille. Réellement.

Camille était à la limite d'être désemparée. Les excuses venant d'une personne aussi puissante que la Matriarche, ne devait pas être prise à la légère. La jeune femme n'avait pas l'habitude de tel comportement, mais elle savait s'adapter. Il lui fallait juste un peu plus de temps que les autres.

— Je... je les accepte, mais je...

— Je sais. Tu ne peux pas encore me faire confiance. Je comprends. Néanmoins Camille, je dois quand même te dire quelque chose que tu n'apprécieras peut-être pas.

« Ah ! On y était », songea immédiatement la jeune femme. Mathilde était donc du genre à donner pour ensuite reprendre.

— Nous sommes désormais ta famille. Je sais que la transformation est déstabilisante, surtout quand elle s'accompagne de l'acquisition d'un don. Les sensations de puissance et d'invulnérabilité sont tellement tentantes. Pour autant, il ne faut pas se laisser submerger. En réussissant le tour de force de contenir ton pouvoir autant que tu le pouvais lorsqu'Indra t'attaquait, tu as montré que tu étais prête à nous protéger. Laisse-nous te protéger en retour. Nous sommes là pour ça. Pour t'aider, t'épauler et te soutenir. Mais pour que nous y arrivions, il faut que tu cesses de nous fuir.

Mathilde s'était approchée de la jeune femme et la regardait dans les yeux. Devant son silence, elle reprit la parole.

— Nous ne savons pas tout de toi, Camille. Contrairement aux Dévoreurs qui semblent s'intéresser à toi depuis longtemps, nous n'avons recueilli que peu d'informations et nous ne chercherons pas à savoir ce que tu veux que nous ignorions. Pour autant, Camille, nous avons besoin de comprendre ton rejet de Dresden.

— Matriarche, elle est prête, dit alors un jeune homme en sortant la tête de la salle dans laquelle Aren et Dresden avaient disparu.

Mathilde soupira. Elle n'avait pas le temps. Elle aurait pourtant voulu savoir pourquoi Camille voulait fuir. Il y avait trop de choses à comprendre. Trop de choses à découvrir la concernant. Sans parler de ce don qui la rendait tout à fait exceptionnelle parmi les Znūntāks. Indra avait réussi à lui faire croire que la jeune femme pourrait être un danger pour elle, alors qu'en réalité, elle avait tout pour être un atout indéniable.

— Sauvée par le gong... dit-elle en souriant. Viens, nous en parlerons plus tard.

Les deux femmes entrèrent en même temps dans une immense pièce dépourvue de fenêtres. La partie à droite de la porte était consacrée à la surveillance de la clinique, de son parc, et du monde en général. Des écrans sur un mur, affichaient des informations et des images de vidéosurveillance, tandis que deux personnes, que la jeune femme devinait Znūntāks, pianotaient sur des ordinateurs sous la surveillance attentive d'Aren. Pour le moment leur préoccupation était la mise en ligne des vidéos concernant « l'incident » aux jardins de la baie. Ils surveillaient les commentaires, les réseaux sociaux et les forums.