109 / La fin et le commencement

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Suivis de tous les autres, Dresden courait en suivant le chemin que Mathilde avait pris pour arriver jusqu'ici depuis le domaine de l'autre côté du lac. La terre grondait, les roches se fissuraient, mais rien ne s'effondrait pour le moment. Il savait que Camille était vivante. Elle était vivante parce que la douleur était soutenable en lui, parce que les couloirs, s'ils étaient envahis de poussières et de vibrations sinistres, tenaient bon. Camille était vivante, mais pour combien de temps ?

Ils débouchèrent brusquement sur les ruines auréolées de la lumière d'une aube orangée spectaculaire. Derrière eux le domaine décida qu'il était temps de disparaître et s'effondra sur lui-même, créant un dénivelé conséquent et accidenté. Rien ne transparaissait de ce qui avait pu exister là-dessous. Aucun vestige visible. Juste de la roche, du sable et des gouffres obscurs et silencieux.

Alors qu'ils étaient tous encore prostrés, à fixer le nuage de poussière soulevé par l'effondrement, réalisant à grand peine qu'ils étaient en vie ; attendant peut-être que Mathilde et Amothep apparaissent soudain d'un chemin caché, une fourgonnette pétaradante surgit sur la route en contrebas des ruines. Une fourgonnette, qui fit crisser ses pneus, avant qu'un « Dresden » tonitruant ne s'élève depuis la portière latérale ouverte.

Dresden et Lucie échangèrent un bref regard avant de se précipiter ensemble vers le véhicule. L'un et l'autre portés par l'espoir que leurs amours ne seraient pas tragiques.

***

Camille sentit l'étreinte folle et vigoureuse, avant que les lèvres de Dresden ne se posent sur les siennes pour lui donner un fougueux baiser. Bon sang, qu'elle était heureuse de se retrouver là. De le retrouver lui, vivant. Vivant et en colère.

— Bon sang, Camille Dorville, mais qu'est-ce qui t'as pris de nous isoler ? Tu es folle ou quoi ! Partir toute seule vers l'ennemi ! Tu...

Camille venait de poser quelques doigts sur les lèvres de son amant avec un faible sourire. Elle était épuisée et ne se sentait pas le courage d'argumenter dans une dispute épique. Or, c'est ce qu'annonçait sans ambages, l'utilisation de son nom complet dans la bouche de Dresden.

— Je suis désolée, murmura-t-elle avant de l'embrasser de nouveau.

— Tu es désolée ?!! répéta Dresden toujours furieux.

— C'est bon, le chevalier blanc ! Elle a assuré comme une putain de guerrière ! Tu l'aurais vue ! dit Sola assise les jambes à l'extérieur de la fourgonnette, la tête posée dans le giron de Lucie qui, debout devant elle, se contentait de lui caresser les cheveux crasseux de poussière et de sueur en souriant.

Dresden fixa Camille en la serrant plus fort contre lui.

— J'ai cru te perdre encore, Camille. J'ai vraiment cru que je ne te reverrais jamais. Avec ces histoires de guerrières de l'aube et ton élément... J'ai eu peur de te perdre, murmura-t-il en la berçant contre lui.

— Tout va bien, Dres. Tout va bien, dit-elle en levant le bras vers lui pour lui caresser la joue.

Ni l'un ni l'autre ne remarquèrent la petite jonque tatouée sur sa peau qui suivait une drôle d'étoile en remontant vers sa clavicule.

***

Zhihao, Dejen et Médjès, debout juste sur la crête, contemplaient les effusions des amants retrouvés en contrebas. La routine.

— Hé ! Aren ! Tu devrais venir voir ça... lança Zhihao en se tournant pour rester bouche bée devant le spectacle du grand Znūntāk embrassant sans honte Wira, agrippé à lui comme un singe.

Ses compagnons, qui avaient suivi son mouvement, intrigués par son silence, s'en trouvèrent aussi stupéfaits. Si Médjès et Zhihao échangèrent des regards gênés ou contrits, Dejen, lui, sourit en les regardant eux.

De notre sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant