— Bien, nous sommes donc tous d'accord ? Le vote est unanime ou il ne sera pas validé. Nous ne pouvons pas nous permettre de nous diviser maintenant.
— Nous avons compris, Zhihao, dit Bastiàn avec un sourire goguenard.
Contrairement à ce que l'on aurait pu croire, ils avaient été très peu à se proposer pour prendre la place de la Matriarche : Tahari, poussée par sa communauté, Dejen, parce qu'il trouvait ça amusant et que Naïm avait refusé catégoriquement, - il n'allait pas parcourir le monde, hein!-, Aren, proposé sans par toute la communauté parisienne et quelques autres, et Delia, enfin, sœur Delia, qui était sortie de sa retraite maltaise à regret, mais, s'il le fallait, était prête à accepter de diriger la communauté, bien qu'elle-même compta choisir quelqu'un d'autre par son vote.
— Bien, alors procédons.
Chacun prit son papier et le déposa dans l'urne posée sur une table au centre de l'amphithéâtre, car oui, malgré le tremblement de terre, les Cavités recelaient encore des trésors anciens dissimulés aux yeux des hommes. Mais pas la salle des guerrières de l'aube. Elle, Camille ne l'avait pas retrouvée.
Valina et Shana aidée d'Imelda commencèrent à dépouiller les bulletins dès que les votants eurent regagnés leur place. L'aspect juvénile de la « sorcière » avait étonné tout le monde lorsqu'elle était arrivée accompagnée de Tidir et Lanh. Le vieux corps d'Imelda avait lâché quand elle avait appris la mort de sa sœur. Fort heureusement, elle vivait déjà avec l'orpheline qu'elle avait choisie pour se « réincarner ». Lanh avait veillé sur elle jusqu'à leur départ pour le désert. Une enfant de 10 ans ne pouvait voyager ou vivre seule aujourd'hui, sans être importunée par les autorités. Il fallait être prudent.
Pendant le dépouillement, les Znūntāks discutaient de l'avenir de leur communauté respective. Les pertes d'avant l'effondrement du Sanctuaire en avaient poussé certains à se regrouper. Bastiàn et Egon avait réuni leurs compagnons pour former une communauté américaine soudée, qui voyagerait entre différents sites exploitables sans danger. Ils avaient préféré s'éloigner des anciens domaines qu'ils occupaient. Ils échappaient ainsi à toute tentative d'attaque des Dévoreurs.
Zhihao n'avait pas reconstitué de communauté. Lahn et Tao s'étaient établis avec Imelda. Utari avait rejoint Taïs auprès de Naïm et Dejen. Wira filait le parfait amour auprès de Aren et Alya était morte. Il se disait prêt à rejoindre le prochain chef de leur communauté pour travailler d'arrache-pied sur des antipoisons ciblés et étudier de près tout ce qui avait été utilisé pendant leur combat épique contre leur ennemi. En attendant, il avait un petit laboratoire au sud de l'Egypte.
Isabella, qui dirigeait la communauté du sud de l'Europe, attendait impatiemment ses résultats, car Vincenzo était toujours dans un état stationnaire. Il survivait grâce à des injections régulières mais ne guérissait pas.
Vahan et Demetrios, seuls exécuteurs qui n'appartenaient pas à une communauté, sinon celle de la Matriarche, veillait sur ce qu'ils avaient pu sauver du domaine canadien de Mathilde de St Roc. Il avait été incendié, mais les sous-sols étaient demeurés intacts et les quatre Znūntāks qui y résidaient en permanence, avertis à temps, avaient pu échapper à la mort.
Ils avaient rejoint Tama et Anaru sur l'île sur laquelle Camille s'était réveillée après avoir été transformée, formant une nouvelle communauté, car par un étrange fait du hasard, Indra n'avait jamais révélé l'existence de cette emplacement stratégique pour les Znūntāks. Comme en Nouvelle Zélande, les Dévoreurs n'avaient pas attaqué là-bas.
Camille observait attentivement le dépouillement. Elle avait une information importante à dévoiler. Une information qu'elle n'avait même pas dit à Dresden, car il aurait trop furieux et n'aurait pas manqué de chercher à verser le sang immédiatement, alors que selon elle, il fallait agir avec circonspection. Elle attendait la déclaration du futur Patriarche ou de la future Matriarche. Étonnamment, tous les bulletins s'empilaient sur une unique pile.
— Bien, on peut dire que ça aura été simple, dit la petite voix d'Imelda en souriant. Elle était satisfaite du résultat. Il lui semblait juste et raisonnable. Aren a été désigné à l'unanimité ! clama-t-elle en essayant de prendre un air solennel.
Tout le monde se leva et applaudit. Tahari, Dejen et Delia sourirent à Aren en inclinant la tête légèrement. Aucun ne l'aurait reconnu publiquement en cet instant, mais ils étaient soulagés. Les responsabilités du future Patriarche ne seraient pas de tout repos. Ils en avaient parfaitement conscience.
Aren, quant à lui, s'était dressé comme un beau diable, éberlué d'être élu à l'unanimité sur un seul vote. Il pensait qu'ils y passeraient au moins la journée ! Mais non ! Il était le nouveau Patriarche ! À l'unanimité ! Ce qui voulait dire que les autres candidats avaient tous voté pour lui ! — Mais...
Il se tourna vers eux et vit leurs petits sourires.
— Vous m'avez bien eu !
— Tu es le seul parmi nous à avoir été roi, Aren ! s'exclama Delia.
— J'ai aussi détruit mon royaume !
— En effet. Tâche de garder ça en tête, histoire de nous garder en vie ! lança Dejen en souriant.
— Il fallait que ce soit toi, Aren. Tu es le plus ancien d'entre nous, commença Tahari, interrompue par le raclement de gorge de Naïm assis au premier rang.
— Avec Naïm, bien sûr, continua-t-elle. Tu seras notre Patriarche, il sera notre mémoire.
Tous applaudirent vivement. Prêt à fêter cette élection rondement menée, quand Camille se détacha des gradins et monta sur l'estrade. En voyant son visage grave, ils se turent tous.
— Il y a quelques jours, à la sortie de la faculté, j'ai été abordée par Victorien de Saint Marc, un ami d'Antoine Demoulin et de Lara Hautegrive, enfants par alliance de l'ancien Commandeur de l'Ordre des séthiens. Il venait me transmettre un message d'Éloi Galander, autre ami de ces mêmes personnes. Je vous lis ce message.
« Le temps de l'affrontement est révolu. Les règles anciennes sont à jamais révolues. En attendant, nous pourrions cesser ce conflit millénaire et envisager des pourparlers. Peut-être est-il temps d'envisager de nous côtoyer sans heurt ? Nos connaissances mutuelles pourraient être bénéfiques à tous et permettre une paix durable et profitable. »
— Je n'ai parlé de ce message à personne car j'attendais de savoir qui serait celui ou celle qui serait en charge du problème.
— Est-ce que les Dévoreurs veulent un pacte de paix, c'est impossible ! C'est un piège ! Même après la seconde guerre mondiale, ils n'ont pas agi ainsi alors qu'ils avaient été affaiblis de manière drastique !
— Après la seconde guerre, Bastian, ils n'avaient perdu que des soldats. Pas des têtes pensantes. Nous avons éliminé complètement beaucoup de cellules à travers le monde pendant que la Matriarche anéantissait leur Commandeur. Ils doivent se réorganiser.
— Tout ceci est à prendre avec le plus de circonspection possible. Nous allons voir ce que nous pourrions envisager, dit alors Aren en s'approchant de Camille pour lui prendre le message. Tu as bien fait, Camille. Tu peux rejoindre Dresden, je crois qu'il faut que tu le calmes, murmura-t-il finalement pour elle seule.
Et effectivement, Dresden était furieux. Elle lui offrit un sourire désarmant auquel il ne put résister. Bon sang, cette fille allait le rendre fou.
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De notre sang
RomanceCamille est un être double. Par son prénom et son physique, elle brouille les pistes. Elle cache un lourd secret qui l'a forcée à être ce qu'elle est : indépendante et méfiante à l'excès. Sa rencontre avec un inconnu, aussi énervant qu'inquiétant, l...