18 / Tentative d'uniformisation ?

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Camille avait fermé les yeux, aussitôt assise dans la voiture de l'étudiant. Il était trop tôt pour qu'elle envisage la moindre conversation constructive. Même avec un mec aussi mignon et à qui elle semblait plaire. En fait, elle avait bien réfléchi la veille. Elle s'en foutait de lui. Totalement. Il ne l'intéressait pas réellement. Il était plutôt une sorte de palliatif qui lui permettait d'éloigner Asterios et de calmer l'ardeur de son désir pour lui en détournant son attention. C'était un bon point pour l'étudiant, mais ça n'était pas suffisant pour qu'elle accepte d'aller plus loin qu'un flirt léger et sans conséquence.

De toute façon, dans son subconscient, Antoine ne faisait pas le poids. La brève nuit de Camille avait encore été peuplée de Dresden, et son sommeil avait été haché par des scènes dérangeantes et sensuelles. Elle maudissait Astérios en silence, tout en sombrant dans une torpeur bienfaitrice, bercé par le ronronnement du moteur, et le filet d'air frais, en provenance de la fenêtre légèrement ouverte, qui lui caressait le visage. Ce matin, malgré les températures basses, elle n'avait pas froid. Une première, pour cette fille résolument du sud.

Bien sûr, cet état d'hébétude ne fut que temporaire. Dès qu'ils arrivèrent sur le parking, en pleine forêt, Camille retrouva ses facultés mentales et physiques. C'est à dire, qu'elle se renfrogna face à tout ce vert, et frissonna sous les assauts du vent. Elle darda un regard mauvais vers le chemin qui s'enfonçait entre les arbres, avant d'attraper son sac à dos que lui tendait Antoine.

— Pas de panique ! Le campement n'est qu'à vingt minutes de marche.

« Vingt minutes, c'était déjà trop », avait envie de répondre Camille avec froideur, mais elle se retint. Elle avait accepté de venir pour Lara. Elle devait aller au bout de sa démarche. Et puis, elle ne pouvait pas non plus ignorer qu'elle était curieuse de voir son amie en situation. Elle se mit donc en route, espérant que ses baskets tiendraient le coup.

Antoine suivit son regard.

— Si tu ne voulais pas les abîmer, il ne fallait pas mettre des baskets vintages pour venir crapahuter dans les bois.

— Vintage ? Mes baskets ?

— Ben ouais... c'est quoi ? Une réédition d'un vieux modèle ?

— Oh, que non. Elles sont vieilles, c'est tout.

Le regard de l'étudiant passa des baskets au visage de Camille plusieurs fois, avant qu'il ne souffle un : « Elles sont en super état pour de vieilles baskets ». Et c'était vrai. La jeune femme se revit sourire le jour où sa tante les lui avait données. C'était une paire neuve, pas un truc laissé par un de ses cousins, pour une fois. Une vraie paire de chaussures, rien qu'à elle. Elle ne les avait pas mises pendant super longtemps, pour éviter de les abîmer... jusqu'à ce qu'elle n'ait plus le choix. Et après, elle en avait pris grand soin.

***

Le chemin grimpait un peu avant de redescendre dans une combe. C'était là, parmi les fougères et les troncs couchés, que les jeunes campeurs avaient choisi de s'installer. Camille aurait pu paraître étonnée en constatant que le site était propre et bien aménagé, mais les uniformes bardés d'écussons en tout genre de plusieurs campeurs, lui indiquèrent qu'ils étaient expérimentés, et que cette parfaite organisation n'était, en aucun cas, due au hasard.

Des scouts. Évidemment. Pourquoi n'y avait-elle pas songé ? Peut-être parce que ce groupe était aux antipodes de sa vie d'avant, de sa vie tout court. D'abord, l'uniforme, quel qu'il soit, était rédhibitoire dans la cité. Et s'il y était à ce point honni, c'était pour deux raisons diamétralement opposées : La première, pour ce qu'il représentait aux yeux du monde de l'ombre : l'ordre et sa capacité à punir. La seconde, pour ce qu'il révélait aux habitants ordinaires : l'impuissance des autorités à les aider ou les protéger. Ainsi, par capillarité, même les ambulanciers et les pompiers, pourtant là pour porter assistance et secours, subissaient cette aversion.

De notre sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant