9 / Un homme hanté

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Oui. Il était Dresden Asterios. Il était un Znūntāk, condamné à vivre l'éternité. Un combattant pour les siens, un tueur pour ses adversaires, un monstre pour ses ennemis. Il était une ombre redoutable et redoutée. Une légende à peine concevable, sinon dans l'imagination débridée de certains mortels.

Mais face à Camille, il n'était rien. Il se sentait faible, prêt à tomber en morceaux. Il était sa proie et n'arrivait pas à se battre contre l'enchantement que sa présence accentuait. Il était proche de se consumer à chaque fois qu'il posait les yeux sur lui. Pourtant, il l'avait encore suivi. Parce qu'il avait besoin de tout savoir de lui, et pas seulement les maigres informations qu'il avait réussi à récolter dans la nuit : son âge, 18 ans, son nom de naissance, Dorville, et sa ville d'origine, Marseille.

Après avoir échoué à lui parler devant la résidence universitaire, quand il était finalement entré dans l'amphithéâtre pour lui parler après deux longues heures à errer à l'extérieur, il avait d'abord été contrarié, car il avait senti une aura détestable lui révulser le cœur. Une aura qu'il avait déjà rencontré bien des fois au cours de sa longue existence. Cela ne voulait dire qu'une chose : parmi les étudiants qu'il croisait, se trouvait au moins un membre de l'Ordre des Dévoreurs, cette engeance démoniaque qui voulait réduire les siens en cendre depuis la nuit des temps. Il aurait dû se douter de cette éventualité en entrant dans l'université. Les Dévoreurs se prenaient pour de érudits-combattants, comme autrefois les moines-soldats, et recrutaient parfois des membres dans des lieux de savoir.

Bref, en sentant cette aura, Dresden aurait dû fuir au plus vite, mais comment aurait-il pu faire cela, alors que celui qu'il était venu voir, se trouvait si proche ? Il n'avait pu résister et avait pris le risque d'entrer quand même. Parce que Camille était là, et que tout son être le réclamait.

Ensuite, il avait compris son erreur. L'inquiétude s'ajoutant à sa frustration, il n'avait pu lutter efficacement contre ses pulsions. Il avait dû déployer des efforts colossaux pour ne pas céder à son désir d'enlacer l'étudiant, de l'embrasser. D'autant plus que ce dernier s'était montré étrangement amical. Il avait même cru que Camille allait le toucher. Bon sang ! Son cœur en avait fait un bond de bonheur, oubliant instantanément la blonde qui semblait très proche du jeune homme. Trop proche à son goût, d'ailleurs. Une petite amie ? Ça aurait expliqué un certain nombre de choses...

Et maintenant, Dresden fuyait. Il fuyait le plus rapidement possible, cherchant un exutoire à la fureur qui se déployait en lui. Ses affaires courantes ne suffiraient pas à exorciser sa frustration, cette fois. Il devait trouver quelque chose de plus... brutal...

S'il avait eu ce Dévoreur sous la main, il n'aurait pas hésité, mais il ne pouvait se permettre de le chercher dans l'université pour l'éliminer. Il risquait de tomber sur un nid. En plein jour, et devant tant de témoins potentiels, il ne pouvait prendre de risque.

Bien que moins puissants que les Znūntāks, qui développaient des capacités physiques hors normes ou/et des dons spécifiques dès qu'ils atteignaient l'éternité, les Dévoreurs compensaient leur faiblesse en étant ingénieux et organisés. Ils avaient su s'adapter au monde moderne, adoptant les techniques les plus avancés, aussi vite que nécessaire, dans le seul but de traquer, puis d'éliminer leurs adversaires.

Ces dernières décenies avaient été particulièrement sanglantes et terribles pour les Znūntāks. Biens intégrés à la société, ils ne pouvaient pas toujours répliquer avec la violence nécessaire pour terrasser l'ennemi sans se dévoiler. Les Dévoreurs l'avaient bien compris. Le secret primait avant tout. Les moins bien protéger parmi les Znūntāks, les plus arrogants, ou simplement, les moins attentifs, périssaient immanquablement sous les attaques sournoises de cet ordre millénaire, depuis déjà fort longtemps. Les siens n'étaient donc plus aussi nombreux.

De notre sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant