94 / Sauvé

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— Aren ! Tu es vivant ! Tu es vivant ! s'écria Wira avec une joie non feinte, en se précipitant sur le Znūntāk.

Un cri répondit à son étreinte, et le jeune homme s'écarta aussitôt, les mains sur la bouche.

— Doucement, gamin ! Aide-moi à le déplacer jusqu'au campement... Aren ? Tu as été suivi ? dit Médjès en redressant lentement le blessé.

— Je ne crois pas. Nuit... silence...mal... poison...

— OK. Je vais te déshabiller. Il faut que je vois les dégâts... Wira ! Il lui faut du sang frais.

— Du sang ? Mais je vais trouver ça où ?

— Nous allons sacrifier un cheval. Nous n'avons pas le choix.

— Il vaudrait mieux du sang humain. Ça irait plus vite.

— Je sais, mais tu as quelqu'un sous la main ? Parce que moi, non, lança Médjès en finissant d'enlever les vêtements de Aren.

Le Znūntāk entièrement nu, n'était pas beau à voir. Sa peau était marbrée de taches violettes, sa jambe gauche avait gonflé, et son torse accusait de drôles de déformations. Le nomade avait mis un garrot de tissus dans la bouche du malade pour éviter que ses hurlements n'attirent l'attention, et il s'activait sur ses membres pour redresser ce qui pouvait encore l'être.

Wira était tétanisé. Son cœur serré le plongeait dans un état second. Il fallut que Médjès crie son nom pour le faire réagir. Il courut alors vers les chevaux et commença à leur parler. Il ne pouvait pas tuer l'un d'entre eux sans discuter avant. Ça lui était impossible. Une telle injustice ne lui serait pas tolérable, même pour sauver l'un des siens. Et puis, il eut une idée.

— Tiens-le. Il va falloir lui ouvrir la bouche... Aren, cesse de gigoter ! Bois... Nous n'avons rien d'autre pour lutter contre le poison, dit Médjès la mâchoire crispée par l'effort que lui demandait de maintenir le Znūntāk tranquille.

Wira avait pris la tête de Aren pour la poser sur ses genoux. Il glissa le bord du récipient dans la bouche du blessé et laissa couler le liquide lentement pour qu'il ait le temps de l'avaler.

Pendant un long moment, il ne se passa rien. Le silence était, de temps à autre, troublé par le hennissement d'un cheval, ou le murmure du vent qui cherchait à s'engouffrer dans la grotte malgré les pans de tissus que le nomade avait tendus à l'entrée pour voiler leur présence.

— Tu crois qu'il va se remettre ? chuchota Wira qui n'avait pas bougé et tenait toujours la tête de Aren sur ses genoux.

— Je n'en sais rien, mais j'ai l'impression que son torse est moins tordu. Sa jambe, par contre...

— Il faudrait avertir Zhihao.

— Zhihao est avec la Matriarche. Et j'espère pour eux que leur voyage n'est pas aussi mouvementé que le nôtre.

— S'ils sont tous ensemble, ils sauront se défendre.

— Oui, mais sur un bateau, ils sont vulnérables.

— Je croyais qu'au contraire, ils seraient plus en sécurité...

— Pas vraiment. Les Dévoreurs ratissent large. Ils ont parmi eux des pirates et des mercenaires.

— Qu'est-ce qu'on est venu faire dans ce merdier ? soupira Wira.

— Il est temps de faire le ménage.

— Pas sûr qu'on en soit capables.

— Bien sûr que si. Il suffit juste d'arrêter de fuir et de se battre. Ils ont des armes, c'est vrai. Mais nous, nous avons la force et les dons. Nous ne sommes pas démunis. Nous n'avons pas besoin de faire une guerre à leur manière. L'honneur n'a pas sa place ici. Il faut frapper sournoisement. Utiliser l'obscurité à notre avantage, frapper de manière fulgurante.

De notre sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant