45 / Village vacances pour vampires

225 33 0
                                    

Assise dans le sable près de ses baskets qu'elle avait abandonnées, Camille fixait l'océan en tentant de mettre de l'ordre dans ses idées. Elle n'avait pas eu besoin de faire le tour de sa prison pour comprendre qu'elle ne quitterait pas ce bout de terre sans aide extérieure.

Elle avait suivi le long littoral sablonneux ; vu, au loin, la montagne dont les flancs étaient couverts d'arbres. Elle avait écouté le silence peuplé des chants des oiseaux, de la mélopée du vent et du murmure des vagues. Elle avait humé l'air parfumé par les hibiscus et les frangipaniers.

Elle était bien loin de chez elle, et comme dans la forêt de Fontainebleau, elle ne se sentait pas à sa place. À part aux abords des maisons, - parce qu'il y en avait plusieurs-, ici aussi, la nature était sauvage et impénétrable. Elle ne s'y risquerait pas inutilement. Elle y serait vaincue et elle n'aimait pas ça.

Il allait donc falloir composer avec son geôlier et ses sbires. Elle avait aperçu l'un des deux colosses de la boite de nuit. Il devait y en avoir d'autres. Est-ce qu'elle était dans un village vacances Znūntāk ? Un genre de club med pour vampires ? Elle se mit à rire à l'idée des vampires en train de suivre les animations que l'on organisait dans ce genre d'endroit.

Puis, son rire s'étrangla dans sa gorge quand son esprit imagina ensuite des orgies de sang pratiquées aux détriments de malheureux touristes bernés par leurs hôtes. Lucie lui avait dit que les Znūntāks n'avaient pas l'obligation de boire du sang. Certes, mais ils étaient combien comme elle, et combien plutôt comme Sola ? Camille frémit à l'idée d'être une proie. Puis, elle se frappa le front.

Elle ne serait plus une proie pour personne, à part pour les sethiens, maintenant, puisque, aux dires de Dresden, elle n'était plus une personne normale. Elle aussi était une « vampire », enfin, une Znūntāk. Elle avait du mal à assimiler l'information, à y croire, même. Elle ne se sentait pas différente. Peut-être que tout ça, c'était des conneries, un délire d'Asterios, prêt à tout pour la posséder...

— C'est une île. Je te l'ai dit ce matin, dit Dresden en se laissant tomber près Camille, alors qu'elle fixait cet horizon qui n'en finissait pas d'être bleu.

— C'est une île, en effet. Microscopique en plus.

— Tu souhaitais plus grand ?

— Si je dois rester ici, ça va être vite emmerdant.

— Nous ne resterons pas ici. C'est temporaire. Le temps de t'habituer.

— M'habituer à quoi ? À vous avoir tout le temps sur le dos avec votre regard de chien battu ?

— Mon regard de chien battu ? répéta Dresden en inspirant pour ne pas hurler tout ce qu'il ressentait en cet instant, à quelques centimètres d'elle.

Il se releva et mis un mètre entre eux. Puis, il tenta de parler calmement.

— Tu dois t'habituer à ta nouvelle condition.

— Je ne suis pas différente. Je ne me sens pas différente.

— Et pourtant tu l'es.

— Ça, c'est vous qui le dites.

— Bon dieu ! Mais il te faut quoi comme preuve encore ? Je t'ai poignardée et tu es vivante ! Tu as entendu les Dévoreurs ! Tu les as vus ?! Tu as vu Sola ! Regarde-moi, Camille !

La jeune femme tourna son visage vers lui, et elle constata qu'il arborait maintenant des iris aussi rouges que ceux de Sola le soir où les Dévoreurs avaient failli la tuer. C'était donc une caractéristique de tous les Znūntāks.

— Ça pourrait être des lentilles, votre truc des yeux rouges ! Les Sethiens pourrait aussi bien être une secte de psychopathes, et vous une autre ! Je suis peut-être tombée en plein milieu d'un de vos délires ! Une guerre entre deux types de barges ! Ça ne fait pas de moi l'une des vôtres ! s'exclama-t-elle à peine consciente de sa mauvaise foi.

De notre sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant