52 / Plongeon non désiré

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Il s'appelait Mattéus et possédait les plus beaux yeux bleus qu'elle ait jamais vu. Grand et maigre, la peau mate, une tignasse frisée et une bouche très tentante, il la dévorait littéralement des yeux. Comme s'il ne croyait pas à sa chance. Comme s'il n'avait attendu qu'elle.

Camille appréciait bien sûr. Qu'elle fille n'appréciait pas d'être convoitée par un beau mec qui lui plaisait aussi ? Sans compter le goût de l'interdit et le petit côté rendez-vous secret qui augmentait leur excitation à tous les deux.

Ils s'étaient d'abord assis au bord du promontoire pour discuter et regarder la lune se refléter dans les eaux noires en contrebas. Leurs mains s'étaient frôlées, puis superposées avant que leurs deux corps ne se rapprochent pour s'embrasser. Ses lèvres avaient le goût de l'alcool qu'il avait bu pour se donner le courage de la suivre jusqu'ici. Elle avait aimé cela.

Camille s'était trouvée gauche, comme s'il manquait quelque chose au tableau, mais refusant de s'attarder sur cette première impression, elle avait renouvelé l'expérience aussitôt, cherchant plus. Cherchant quelque chose qu'elle n'identifiait pas. Mattéus ne paraissait pas aussi troublé qu'elle. Il savait ce qu'il voulait et ne tarda pas à la caresser en des endroits qu'elle n'avait ouvert à personne depuis longtemps.

C'était doux et agréable, elle se laissa faire avec un certain plaisir et redécouvrait que son corps pouvait frémir en même temps que celui d'un autre... qui ne soit pas Dresden. Elle chassa l'image, et embrassa avec passion Mattéus, qui, enhardi par la propre ardeur de sa compagne de jeu, entreprit de la déshabiller.

La tunique de Camille disparut rapidement, et le jeune homme s'intéressa très sérieusement au laçage de son haut de maillot de bain, cherchant à libérer ces seins qu'il semblait convoiter avec avidité, ce qui ne manqua pas de l'étonner, elle. Comment pouvait-on désirer ce qui n'avait que si peu d'existence ? Il fallait croire que Mattéus aimait les œufs au plat !?

Elle lui ôta son tee-shirt avec facilité et admira son corps sec et musclé. Il lui avait dit qu'il travaillait sur des bateaux de luxe. Elle envia ceux qui profitait du spectacle quotidien de ce corps en mouvement. Son désir de lui rugissait maintenant en elle.

Tout en l'embrassant passionnément, Camille s'activait sur son short à lui, quand, brusquement, la chaleur du corps du jeune homme disparut d'au-dessus du sien. Et cet appel d'air brusque et inattendu s'accompagna d'un long hurlement, avant de s'éteindre dans un grand bruit de plongeon non désiré.

Dresden se dressait au-dessus de Camille, l'air furieux. Malgré l'obscurité, elle pouvait voir ses yeux flamboyer. Un instant, elle fut troublée qu'il la voit dans cette posture, à moitié dévêtue et échauffée par les caresses d'un autre, puis la guerrière revint au galop. Lui, ne se privait de rien, Bordel ! Camille se releva d'un bond en hurlant contre Dresden :

— Mais ça va pas la tête ! Je suis sûre que tu n'as même pas regardé où tu le balançais ! Il aurait pu se tuer sur les rocher !

Puis se penchant au-dessus du promontoire, elle cria à l'adresse de Mattéus un « ça va ? », puis un « J'arrive ! », avant de se tourner vers les escaliers.

Dresden lui attrapa alors le bras pour l'immobiliser. Elle prit conscience qu'elle ne portait que son haut de maillot de bain pas forcément ajusté là où il aurait fallu, - En gros, elle avait un sein quasiment en liberté, et le laçage à moitié défait menaçait le reste d'un dépouillement imminent, et son short était à moitié ouvert. Diantre ! Elle était en mauvaise posture !

— Laisse-moi, Dresden !

— Tu vas rentrer avec moi ! Maintenant !

— Et pourquoi ? Bordel ! Tu n'es pas mon frère ! Tu n'es pas mon père ! Et certainement pas mon petit-ami ! Comment je dois m'y prendre pour te faire comprendre tu n'es rien pour moi ! hurla-t-elle en se débattant, mais son emprise sur elle se renforça.

— Je ne suis rien ? murmura-t-il d'une voix rauque en emprisonnant son menton dans sa main libre pour qu'elle soit obligée de le regarder dans les yeux. Je ne suis pas rien, Camille. Au contraire. Je suis tout. JE. SUIS. TOUT.

Et il posa ses lèvres sur les siennes pour lui voler un baiser enragé qui n'avait rien d'agréable. Puis il se détacha d'elle avec force et la souleva pour la poser sur son épaule, et prendre la direction de la maison par le chemin secret.

— Pose-moi tout de suite ! Espèce de... cria Camille en le frappant dans le dos.

Sa pitoyable révolte n'eut pour seul effet qu'un renforcement de la prise de Dresden sur ses cuisses. Elle sentait ses mains sur sa peau et ne put s'empêcher d'en vouloir plus. Il fallait qu'il la pose, qu'il s'éloigne d'elle au plus vite. Les préliminaires avec Mattéus avaient réellement excitée la jeune femme, rendant cette proximité avec Dresden intolérable.

— Pose-moi, supplia-t-elle d'une voix blanche.

Dresden continua à avancer sans rien dire. Il savait ce qu'elle éprouvait parce que lui-même était sur des charbons ardents. Il sentait sa peau palpiter sous sa main. Il luttait pour ne pas la caresser, pour ne pas remonter plus haut, pour accéder à ce que cet enfoiré d'îlien avait eu droit de toucher. Il voulait qu'elle souffre comme lui. Il voulait qu'elle comprenne ce qu'il endurait chaque jour, à être auprès d'elle sans pouvoir assouvir réellement son besoin d'elle.

Lorsqu'il la déposa enfin devant la porte de la chambre, il la fixa plusieurs longues minutes sans rien dire. Il projetait tout son désir vers elle. Il voulait tellement qu'elle y cède. Il voulait tellement la posséder, la faire jouir et jouir d'elle. Mais la jeune femme fit ce qu'elle faisait de mieux : elle coupa le contact et s'enferma sans rien donner. La fête était finie.

Camille s'adossa à sa porte et se laissa glisser au sol. Son corps était en feu, et son esprit hurlait de rage. Tant de désirs contradictoires tourbillonnaient en elle. Tant de volontés différentes s'affrontaient. Tant de poids lui pesait sur les épaules. Et pourtant, une seule certitude émergeait : elle avait eu raison de ne pas céder, car le contraire compliquerait encore les choses en renforçant le lien contre lequel elle s'efforçait de lutter malgré elle. Elle se leva avec difficulté et se dirigea vers la salle de bain. Il lui fallait une douche froide d'urgence.

Dresden revint parmi les fêtards avec une détermination chevillée au corps. Il avait besoin de laisser exulter son corps. Il enlaça aussitôt la blonde dont il explorait la bouche sans grande conviction, moins d'un quart d'heure plus tôt. Elle ferait l'affaire pour cette nuit. Il savait qu'elle ne suffirait pas, mais ce serait mieux que rien.

Ce serait toujours mieux que de rejoindre sa chambre seul en songeant qu'à quelques portes, dormait celle qu'il convoitait avec tant de force, celle qui se refusait à lui pour une raison qu'il ne cernait pas, maintenant qu'il lui avait donné l'éternité. Camille ne lui disait pas tout. Il manquait encore un certain nombre de clés à Dresden pour la comprendre, pour la faire venir à lui sans réticence.


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