20 / Premier accroc

191 34 0
                                    

Camille râlait intérieurement. Ils étaient partis depuis des heures au moins, et elle ne sentait plus ses jambes. Elle attrapa discrètement son téléphone et constata qu'ils ne marchaient, en réalité, que depuis une demi-heure... Elle allait mourir dans cette putain de forêt ! Et entourée de tarés en plus ! Antoine lui avait expliqué qu'il utilisait une carte topographique pour préparer les trajets. Pas un GPS ! Une carte topographique ! En papier ! Eloi et Victorien avaient ajouté des trucs sur leur capacité à s'orienter dans la forêt grâce à leur environnement. Elle n'avait rien retenu et s'en foutait. Elle avait pris son smartphone et une power bank...

Pas question d'être en rade au milieu de nulle part parce que ces « survivalistes » préféraient revenir à leurs racines. Rien ne valait un bon GPS, selon elle. Surtout pour quelqu'un comme elle qui n'avait pas été élevée en se repérant à la mousse d'arbres ou aux traces aux sol. Elle, elle était capable de repérer un spot de drogués aux seringues abandonnées par terre ou un potentiel lieu de traquenard au nombre d'ampoules de lampadaire pétées. Chacun sa spécialité.

Bref. Maintenant, elle était là à se demander pourquoi elle devait supporter ça. Lara. Putain, Lara ! Lara qui pérorait sur la randonnée de la veille, durant laquelle elle avait été émerveillée par les paysages, sans voir que Camille se concentrait sur ses déplacements pour éviter de s'effondrer. Bonjour l'amie... Il allait falloir que Camille révise ses priorités en revenant. Si elle revenait !

Marcher n'était pas un problème. Sans être une grande sportive, la jeune femme avait de la ressource. Non, le problème, c'était l'environnement : insectes vrombissant autour d'elle, branches toujours mal placées qui vous revenaient en pleine poire au meilleur moment ou racines traîtresses se faufilant entre vous et votre destinée de parfaite randonneuse...

Pourquoi ne prenaient-ils pas les chemins tracés pour les promeneurs du dimanche comme elle ? Ah ! Oui ! Parce qu'ils étaient des randonneurs aguerris et qu'ils s'en foutaient d'elle ?! Peut-être que tout ceci était même une sorte de leçon qu'ils lui donnaient pour lui montrer que seule, à l'aventure, elle ne s'en sortirait pas.

D'un naturel suspicieux, Camille commença à observer le groupe avec un autre regard, attentive aux signes qui lui auraient permis de confirmer ses soupçons. Essayaient-ils de lui donner une leçon pour avoir la présomption de vouloir partir seule en Europe ? Mais pourquoi ? Pourquoi feraient-ils ça ? C'était stupide ! Ils n'étaient rien pour elle. Et elle n'était rien pour eux. Et puis, que les choses soient claires, elle n'avait définitivement pas l'intention de parcourir les forêts autrichiennes, ni les massifs alpins. Elle allait se contenter de prendre des trains et de s'arrêter dans des lieux civilisés avec des auberges de jeunesse...

— Tu crois que l'on pourrait faire une pause ? demanda-t-elle à Lara alors qu'elle se rattrapait de justesse à une branche après avoir trébuché une énième fois.

Pour toute réponse, elle vit les yeux de son amie s'arrondir, avant qu'elle n'éclate de rire.

— Quoi ?! lâcha Camille en tentant de comprendre, sa main s'aventurant dans ses cheveux courts à la recherche d'un écureuil ou d'une araignée égarée.

Thomas s'était retourné en entendant le rire de Lara. Face au visage contrarié de Camille, il n'ajouta rien, mais accéléra pour rejoindre la tête du cortège pour les faire s'arrêter. Antoine rebroussa chemin dès que Thomas lui eut parlé.

Camille se fichait bien de son apparence. Quelque chose n'allait pas dans ce qu'elle vivait. Et plus la journée avançait, plus le malaise s'installait. L'attitude de Lara d'abord, qui semblait très loin de ce qu'elle connaissait. Comme si elle faisait face à une autre fille. Pas totalement différente, mais pas similaire. Et puis, cette colère qu'avaient montré Louis et Sybille à son égard. La sollicitude d'Antoine qui pouvait confirmer un sentiment pour elle. La curiosité étrange et mal placée de Victorien et Éloi.

De notre sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant