Les bâtiments, trois cubes agrémentés d'une fenêtre chacun, et dont les portes avaient disparu, voire n'avaient jamais existé, étaient regroupés en masse compacte, et adossés à un énorme rocher qui préfigurait sans doute les monts que l'on distinguait dans l'horizon proche. Il n'y avait aucune autre construction visible à des kilomètres à la ronde. Juste cette pleine aride d'où surgissait parfois un arbre solitaire, un amas de broussailles et ce rocher. Il était difficile de comprendre pourquoi on avait construit quelque chose ici, au milieu de ce désert de sable et de cailloux. Pourquoi, et par qui ?
En tout cas, une chose était sûre, l'endroit était abandonné depuis longtemps. La piste qui y menait était quasi inexistante. Un sillon à peine visible qui formait parfois des boucles inutiles pour contourner un simple caillou. Tout hurlait à l'abandon, à l'absence de vie.
Camille posa son sac à dos à ses pieds et remonta le chèche qui lui couvrait le bas du visage. Elle n'était pas fatiguée malgré les longues heures de voyage. Ici, sur cette terre aride qui dissimulait parfois des trésors convoités : eau, gemmes et métaux précieux, elle se sentait comme chez elle. Son élément était là pour elle, autour d'elle. Il l'enveloppait et la protégeait du froid de la nuit et de la chaleur du jour. Elle tapota son pantalon de toile, et la poussière en tomba aussitôt.
— Tu ne voudrais pas faire pareil avec moi, demanda Dresden qui se tenait près d'elle.
Ils portaient tous les deux des vêtements de baroudeur, pantalon multi-poches, tunique en coton à manches longues et chèche. Les sacs à dos et les appareils photo étaient les accessoires de leur couverture. Ils étaient censés être photographes naturalistes.
Camille sourit. Dresden était, bien plus qu'elle, recouvert de poussière. Bien trop. À croire qu'il s'était roulé par terre.
— Je crois qu'elle t'aime bien, dit-elle en le tapotant.
— Un peu trop, si tu veux mon avis.
— Tu ne vas pas te plaindre de l'affection que mon élément te porte ? Ça n'est que le pâle reflet de ce que j'éprouve pour toi, tu sais.
Dresden s'empara de la main de Camille pour l'attirer à lui et l'enfermer dans ses bras.
— Redis ça, murmura-t-il en trouvant un espace de peau entre le chèche et le col de sa tunique pour y déposer ses lèvres.
— Quoi ? murmura Camille. Que mon élément t'aime bien ?
— La suite.
— Parce que je t'aime, moi ?
— C'est ça, murmura-t-il à son tour en descendant son chèche pour trouver ses lèvres.
Le baiser dura un long moment. Parce que maintenant que tout était si clair entre eux, ils ne se privaient jamais de profiter de leur proximité pour assouvir leur soif l'un de l'autre. Sauf qu'un léger raclement de gorge les fit sursauter.
— Excusez mon interruption. Mais je pense qu'il serait judicieux de se mettre à l'abri des regards. Surtout si vous comptez aller plus loin. Vous me suivez ?
La voix appartenait à un petit homme sec à la peau sombre, dont les yeux bleus étincelaient d'espièglerie. Son aspect juvénile contrastait avec sa voix grave et son corps courbé. Il portait une tunique noire sur un pantalon en coton de la même couleur. Ses pieds étaient nus, tout comme sa tête aux cheveux ras.
— C'est un Znūntāk ? murmura Camille toujours dans les bras de Dresden.
Ce dernier ouvrit la bouche pour répondre, mais aucun son n'en sortit. Il était trop subjugué par ce qui naissait dans chaque empreinte de pas laissée par l'inconnu. Des fleurs. Uniques et insolites. Petite tige verte surmontée d'une huppe rouge écarlate.
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De notre sang
RomansaCamille est un être double. Par son prénom et son physique, elle brouille les pistes. Elle cache un lourd secret qui l'a forcée à être ce qu'elle est : indépendante et méfiante à l'excès. Sa rencontre avec un inconnu, aussi énervant qu'inquiétant, l...