48 / Ne pas avoir le choix

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Une fois dans la chambre, Camille s'écroula sur le lit, recroquevillée sur son ventre qui la brûlait atrocement. Elle détestait la Matriarche. Elle la détestait tellement, que si elles avaient été seules, elle aurait sans doute tenté de la tuer.

Pourquoi ressentait-elle autant de haine ? Elle avait déjà vécu avec des personnes qui lui voulaient du mal. Elle avait déjà subi ce genre d'attaques malsaines, la violence, cette volonté de domination par la peur et la douleur.

Il y avait donc quelque chose en plus chez Mathilde qui dérangeait Camille, au point de la mettre dans cet état. Une chose qu'elle aurait aimé ne pas découvrir, sans aucun doute, mais c'était trop tard, car Camille savait pourquoi elle détestait Mathilde de Saint Roc. Et ça n'avait rien à voir avec ce qu'elle venait de lui faire subir.

Tout son être s'était embrasé quand la jeune femme avait vu le regard de la Matriarche chargé de désir enfoui, retenu, se poser sur Dresden. Et cette soumission qu'elle avait constaté de sa part à lui, lui avait été insupportable. Camille ne pouvait plus se voiler la face. Il existait bel et bien un lien entre elle et le Znūntāk. Elle aurait beau le nier tant qu'elle le voudrait, non seulement Dresden ne la laissait pas de marbre, - mais ça elle le savait déjà -, mais il avait raison sur ce lien invisible. C'était comme un fleuve indomptable qui courait dans ses veines et se propulsait jusqu'à son cœur. Putain ! Elle l'aimait, ce con, avec sa balafre et ses airs de chiens battus, avec son regard d'orage et sa mâchoire crispée de colère, avec son sourire lumineux et sa volonté de ne pas l'abandonner.

C'est pourquoi, Camille n'arrivait pas à supporter l'image qui s'était formée dans son esprit : la Matriarche et Dresden mêlé en une étreinte passionnée. En comparaison, la douleur qui la rongeait sur ce lit n'était rien. La rage que la haine et la jalousie faisait tourbillonner en elle, était bien plus cinglante.

Ce constat mit la jeune femme dans une colère folle. C'était atroce. Elle avait envie de hurler, de frapper et de saccager. La chambre en fit les frais. Elle se fichait de savoir si on l'entendrait, ce que cela coûterait de remettre de l'ordre, elle voulait assouvir sa soif de violence. Elle voulait l'épuiser, la faire disparaître, comme son propre désir, comme la frustration horrible qu'elle s'imposait en présence de Dresden, comme son incapacité à accepter ce qui lui arrivait.

Et puis, elle s'arrêta brusquement. Pourquoi luttait-elle encore contre elle-même ? Pourquoi ne pas accepter et se laisser porter ? Immédiatement ce que lui avait dit l'oracle des Sethiens lui revint en mémoire : « Tu seras sa perte, petite. Tu seras la perte de celui qui croit que tu l'aideras à briller plus fort. Née du sang sombre et malfaisant, elle marche à la frontière des deux mondes. Justice immanente ou vengeance des dieux, elle sera notre récompense ou notre punition. »

Cela voulait dire que quel que soit le camp dans lequel Camille serait, elle lui apporterait le malheur, que quelle que soit sa faiblesse à l'égard de celui qu'elle aimerait, elle provoquerait sa mort... Bien qu'elle ne croit pas au destin, une petite voix lui disait que cette prophétie s'appliquait parfaitement à elle. N'avait-elle pas déjà détruit tous ceux qu'elle avait aimés jusqu'à présent ?

Est-ce que ça n'était pas à cause d'elle que ses parents s'étaient dépêchés de rentrer ce soir-là, la sachant seule à la maison depuis de longues heures ? C'était la première fois qu'ils acceptaient qu'elle ne soit pas baby-sittée. Ils avaient voulu la rejoindre aussitôt le spectacle terminé. L'accident avait été terrible, mortel, définitif.

Ensuite, il y avait eu la cité. Cette parenthèse de vie chez sa tante ne comptait pas vraiment. Elle n'y avait aimé personne. Elle s'était contentée de survivre. Mais même dans ce cas, il y avait eu des morts.

Enfin, n'avait-elle pas été une plaie pour les Sethiens eux-mêmes ? Lara était morte de sa propre main alors qu'elle avait été son amie. Antoine avait voulu l'aider à faire partie de l'Ordre, et elle avait provoqué un massacre.

De notre sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant