74 / Se découvrir

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Le bateau s'était arrêté près de l'île où se trouvait le « refuge » d'Imelda. Tous les Znūntāks avaient été étonnés de voir que ça n'avait rien d'une hutte sur un caillou solitaire au milieu de l'océan. La maison de la « Sorcière » était sur une côte très fréquentée. Montée sur pilotis, elle surplombait une belle plage encombrée de locaux et de touristes. Pas du tout tranquille ou à l'abri des regards, comme l'aurait pensé Mathilde. Son ponton était d'ailleurs envahi de jeunes qui s'en servaient pour plonger.

Les Znūntāks avaient décidé d'attendre la nuit pour accoster. Personne ne devait savoir qu'ils étaient là. Et vu leur état, ils auraient trop attiré l'attention en arrivant en plein jour. Durant les quelques heures d'attente, Wira qui s'ennuyait, attira des poissons exotiques aux couleurs chatoyantes autour du bateau et plongea pour nager avec eux.

— Dr Dolittle ne peut pas s'empêcher de se donner en spectacle, hein, dit Dejen en s'accoudant à la rambarde près de Aren, accoudé lui-aussi.

— Je crois qu'il s'agit surtout d'un besoin pour lui. C'est sa façon de se ressourcer, dit Aren, qui profitait du spectacle avec un certain plaisir, il devait bien le reconnaître.

Il trouvait Wira très beau. En fait, il était ému et attiré par lui. Il le savait depuis longtemps, mais ne se serait jamais permis de montrer la plus infime part de ce qu'il éprouvait quand il le voyait. Aren avait déjà ressenti le Yāasht, et même s'il l'avait perdu, il s'estimait chanceux d'avoir pu posséder autant d'amour. Ce qu'il ressentait pour Wira était différent et il pouvait le mettre en sourdine, s'en délecter en silence quand il rencontrait le Znūntāk au gré de ses voyages. Comme maintenant. Et ça lui suffisait. Et puis Wira était en couple avec Alya...

— Tu lui dira un jour ? Tu attends quoi ? Qu'Alya réalise enfin qu'elle préfère les femmes et qu'elle l'abandonne à ses bestioles ?

Aren observa Dejen, étonné. Il pensait sincèrement avoir bien dissimulé son attirance pour Wira. Et si quelqu'un avait pu le découvrir, il n'aurait pas parié sur Dejen, avec qui il ne parlait jamais de relation humaine ou presque.

— Tu pensais que personne ne le verrait, hein ? Figure-toi que je ne crée pas que l'obscurité autour de moi. Parfois, il arrive que l'obscurité me montre des choses. Et parmi ces choses, il y a ton attirance pour Dolittle.

— Je serais curieux de savoir ce que tu as vu d'autre.

— Ça n'a trait qu'au lien entre les Znūntāks. Sola et Lucie, par exemple, c'est du solide. Tao et Lanh moins sûr. Alya et Wira carrément pas. Dresden et Camille, c'est du béton armé, en revanche. Toi et Wira, un lien étroit...

— Étroit ? Mais il préfère manifestement les femmes.

— Non, Aren, ce qu'il préfère, ce sont les insectes, mais comme il ne peut pas décemment leur faire l'amour... Alya est un palliatif, parce qu'il se laisse porter et que ça n'est pas désagréable. Il est tellement... Des fois, je me demande s'il est réellement avec nous. Avec toi, il serait bien.

— J'attendrai qu'Alya découvre l'amour véritable, alors.

— Pourquoi attendre ?

— Parce que j'ai le temps et lui aussi.

— Quel sagesse. Moi, je ne pense pas que j'en serai capable.

— Ah ! Ah ! Ah ! Vraiment ? C'est peut-être parce que tu n'as jamais rencontré celle qui t'y forcera... regarde Dresden.

— Tu as peut-être raison. Je suis toujours à la recherche de celle que je pourrais transformer. En attendant...

— En attendant, tu profites, finit Aren en riant.

De notre sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant