Chapitre 14

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Eléonore

Assise sur mon lit, je profite que mon colocataire soit sous la douche pour fureter sur internet. J'effectue des recherches sur les gangs de motards aux Etats-Unis. C'est dingue tout ce qu'on peut trouver sur le web. Incroyablement flippant aussi. J'ai découvert qu'il y a de nombreux Moto-Club, qu'ils appellent MC, et qu'ils font du trafic en tout genre.

Pourtant, j'ai du mal à imaginer que Drake et ses "frères" fassent du trafic d'êtres humains ou qu'ils vendent de la drogue bien qu'ils arborent le sigle "1%" sur leurs blousons pour les qualifier de dangereux. A priori, tous ceux qui portent ce "patch" sont aussi impliqués dans les guerres de gang. C'est hallucinant.

Et extrêmement anxiogène. C'est décidé, j'arrête mes recherches. Je cohabite avec Drake depuis deux semaines et tout se déroule très bien. J'ai trouvé beaucoup d'informations, certaines se regroupent quand d'autres se contredisent. Et si, jusqu'à présent, je m'entends plutôt bien avec mon "invité", je n'ai pas envie que notre entente ne se détériore par des préjugés acquis suite à mes lectures sur des sites douteux.

Après tout, je ne peux même plus compter le nombre de mes patients qui pensaient connaître mieux mon métier que moi suite a un passage sur Doctissimo. Si Google le dit, c'est que c'est forcément vrai... Donc, je préfère arrêter là.

Cependant... peut-être que je peux me renseigner autrement. Histoire de comprendre leur fonctionnement depuis un autre angle de vue. J'ouvre Netflix et tape dans la barre de recherche "Sons Of Anarchy". Je lance le premier épisode et découvre un blondinet plutôt pas mal. Je retrouve en lui quelques similitudes physique avec celui qui prend sa douche dans ma salle de bain. Quoique... Drake a les yeux moins rapprochés et d'un gris orageux. Ses cheveux sont plus courts aussi.

Les minutes passent, c'est plus prenant que je ne le pensais. C'est sacrément sexy un mec sur une moto !

— Hum hum.

Drake se racle la gorge et, d'instinct, je planque mon portable sous mes fesses.

— Qu'est-ce que tu fais ?

— Oh rien, minaudé-je.

Je n'ai pas vraiment l'air crédible mais je me sens un peu honteuse d'effectuer des recherches.

— Eli... gronde t'il, qu'est-ce que tu fais avec ton portable ?

Je me lève, histoire de me sentir moins diminuée face à lui. Je hausse les sourcils devant son regard un légèrement courroucé puis lui tend mon portable. J'ai peut-être été un peu bête de vouloir lui cacher mais je ne voulais pas non plus qu'il me prenne pour une imbécile. J'ai du mal à me comprendre parfois.

Il attrape le téléphone et, pendant qu'il le consulte, j'en profite pour lorgner son corps. A des fins médicales, soyons clairs. Ses cheveux sont encore un peu humide et je suis du regard une goutte qui tombe sur son pectoral. J'avoue que j'apprécie la vue. Il est musclé finement, beaucoup moins que Greg, mon ex, mais de manière plus harmonieuse et moins poussé. Il arbore de nombreux tatouages, ce qui est normal pour un tatoueur, mais je dirais qu'il n'en a pas autant que Gale. Certains sont d'un réalisme saisissant, comme celui qui figure sur son flanc gauche, un loup dans une forêt, installé sur un rocher hurlant à la mort, sous une pleine lune à demi camouflée par des nuages. C'est d'une beauté incroyable.

— Tu regardais les Sons of Anarchy ?

Je m'arrache à ma contemplation et retombe sur ses pupilles si jolies.

— Oui je... hum... Je me renseignais.

Un rictus moqueur se dessine.

— Tu sais que si tu as des questions, tu peux me les poser, ce n'est qu'une série TV!

— Oui, bin... bin... voilà quoi. Et arrête de te moquer, je ne connais strictement rien à ton monde !

Il éclate de rire, alors, outrée, je lui donne une tape sur l'épaule.

— Eh ! On ne frappe pas un homme blessé !

— Oh ça va ! C'est une tape de rien du tout, gloussé-je.

— On peut regarder ça ensemble si tu veux, je l'ai déjà vu mais il y a une nouvelle série qui vient de sortir, on pourrait aussi se la mater, si ça te plait.

— Pourquoi pas, allez viens.

Je le guide jusqu'à sa chambre, je préfère. Tout mon matériel médical est là-bas et, psychologiquement, j'ai identifié cette pièce comme étant l'endroit où je m'occupe de lui. Pas comme ma chambre, où il n'entre jamais normalement et qui est beaucoup plus personnel. Je me sens parfois - souvent pour être honnête - un peu perdu quant à mes sentiments et mes repères. La limite est un peu trop subtile à mon goût et j'ai l'impression que, pour lui aussi c'est assez déroutant. A moins que je ne me trompe et que je me fasse des idées. Ce qui est possible aussi.

Je lisse la couette et l'invite à s'y allonger afin de vérifier la cicatrisation. Je file dans la salle de bain me laver les mains et le rejoins. Je vérifie les sutures. Sans médications, il s'en remet très bien. Il fatigue vite mais ces deux semaines de convalescence lui ont fait du bien. Hormis l'épisode de la douche, il n'a pas manifesté de symptômes pouvant me laisser croire à un début d'infection ou une complication. Les plaies sont plutôt jolies et se referment assez bien. Bien que les tissus internes mettent entre six et dix-huit mois pour une guérison complète, je pense que d'ici peu de temps, Drake sera sur pied. Même si ça m'embête un peu puisqu'il devra partir. C'était le deal, pourtant.

Alors que mes doigts effleure sa peau, je remarque la chair de poule qui le parcourt. Est-ce c'est moi qui le perturbe ? Est-ce juste une simple réaction épidermique ? Est-il aussi troublé que moi par ce qu'il se passe entre nous ? Ressent-il aussi cette étrange attraction où est-ce seulement mon imagination qui me travaille beaucoup trop ?

— Alors ? s'enquiert-il.

Je mord ma lèvre pendant un instant avant de plonger dans son regard ombrageux.

— Je pense que tu t'en sors très bien.

— Je peux faire un tour en moto ?

A cet instant, il ressemble à un gosse à qui on a privé son jouet préféré. Ses jolies fossettes ressortent sous sa barbe de plusieurs jours.

— Oui, soufflé-je, tu vas pouvoir faire un petit tour, mais tâche d'être prudent.

Il s'assoit, un peu trop vite à mon goût sans dévoiler aucune gêne, et me prend dans ses bras. Mon cœur fait une embardée dans ma poitrine. L'entend t-il quand il bat à un rythme effréné ?

— Merci ma lionne, murmure-t-il dans mon oreille. Merci pour tout.

Un baiser sur ma tempe, je m'éloigne de lui et manque de tomber du lit.

— Oh, mais c'est rien, contré-je.

Je me perd dans son regard et culpabilise un instant. Je devrais m'éloigner, me préserver. Mais plus les jours passent, plus ça devient compliqué. J'ai envie de plus.

Alors j'ai peur. Peur de moi. De mes réactions, de mes aspirations et de mes sentiments qui deviennent, malgré moi, un peu plus importants. Je n'ai pas le droit d'éprouver ça. Je n'ai pas le droit d'espérer que ce soit réciproque.

Je. N'ai. Pas. Le. Droit.

Et pourtant... pourtant je le pense quand même. J'ai envie de me gifler pour ça.

Je le pense tout comme je pense à lui parfois quand je suis seule et que je me touche.

J'en ai tellement envie et même si je dresse des barrières entre nous, elles s'effritent peu à peu face à mes sentiments si intenses que je développe pour lui.

Wild Wolves - DéloyalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant