Chapitre 54

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RAG N BONE MAN – HUMAN

Maybe I'm foolish, maybe I'm blind

Peut-être que je suis stupide, peut-être que je suis aveugle

Thinking I can see through this and see what's behind

De penser que je peux percer le problème à jour et voir ce qu'il y a derrière

Got no way to prove it, so maybe I'm lying

Je n'ai aucun moyen de le prouver, alors peut-être que je mens

Drake

J'amorce plusieurs pas pour réconforter Eli, mais Yél me barre la route. Accroupi face à ma femme, Thomas glisse ses bras sous les jambes de sa frangine et l'embarque, Yéléna sur ses talons. Bien que son nez pisse le sang et qu'il gonfle à vue d'œil, il ne cille pas. Il me passe devant en me jette un regard noir. Il me hait, mais c'est le cadet de mes soucis. Ma lionne s'accroche à lui, planque son visage contre le tee-shirt.

Putain. Qu'est-ce que c'est que ce délire ? Que s'est-il déroulé en mon absence ? Eli semble terrorisée.

Je venais à peine de foutre un pied dans le club-house que j'entendais déjà gueuler dans la cuisine. Non pas que ça change grand-chose, surtout lorsqu'il s'agit de la furie blonde. On bosse ensemble depuis des années et je connais son caractère de merde. Ce qui m'a étonné, c'est qu'elle prenne la défense de Éléonore et qu'elle fasse front contre mes frères. Elle s'est prise pour une amazone, ou un truc dans ce délire. Pour un peu, je l'aurais presque cru capable de tuer pour protéger son amie.

Yéléna a bien des défauts, pourtant, sa loyauté est à toute épreuve. Habituellement, elle est avec nous, pas dirigée vers une personne « extérieure ».

Je pige que dalle à la situation et personne n'a jugé utile de me prévenir que ma lionne allait mal. Hormis Seyfer. Lacreyme, dont l'air funèbre me déroute, s'affaire à ranger ses produits ménagers. Je l'alpague et lui demande de m'exposer tout ce que j'ai loupé ces trois dernières semaines. Un soi-disant accident de voiture. Un ridicule accident de voiture ?

Impossible.

— Me faites pas croire que vous avez gobé cette merde ?

Excédé, je passe ma main dans mes cheveux. Je ne minimise pas le fait qu'être percuté par une bagnole ne choque personne. Mais faut pas me prendre pour un con.

En à peine quelques minutes, elle m'a rappelé ces blessés de guerre, qu'il s'agisse des hommes de mon régiment ou de la population locale quand on traversait un village en Irak.

Ses gestes compulsifs, sa crainte manifeste, sa façon d'être sur ses gardes et cette phrase qu'elle répétait inlassablement.

J'ai beau être un abruti, je ne suis pas pour autant « si » débile. La thèse de l'accident n'est absolument pas crédible.

Je le sais au fond de mes tripes. Elle est traumatisée et je dois trouver pourquoi.

Par ce besoin irrépressible de la voir, je quitte la cuisine, traverse le bar, passe devant Seyfer et Lennox dont la conversation semble houleuse. Je remarque Rebecca isolée avec Clay dans un coin, dont la fureur est imprimée sur ses traits. Qu'elle fasse sa vie, j'ai autre chose à foutre. Mon objectif est ailleurs.

Je me pointe devant la porte de ma lionne. Celle-ci est restée entrouverte. Elle est complètement métamorphosée. Je ne le reconnais plus. Une fatigue extrême transparaît à travers les cernes grises qui encadrent ses billes vertes. Les joues creusées par une perte de poids significatif, le teint blafard rehaussé par le sweat-shirt noir qu'elle vient d'enfiler. C'est une tout autre personne que j'ai sous les yeux.

Elle porte sa main frénétiquement à l'arrière de son crâne, elle caresse ses cheveux comme pour se rassurer de leurs longueurs. Longueurs qui ont disparu.

J'aperçois Thomas se déplacer de long en large dans la piaule, tel un loup en cage. Il parle en français avant de reprendre en anglais quand il me remarque.

— On se casse d'ici, je sais pas ce qu'il t'arrive, mais tu peux pas rester là !

— Ce. C'est. Ce... bégaie-t-elle.

— Regarde ce qu'ils ont fait de toi !

Elle ne l'écoute pas. Ne me vois pas non plus. Elle se concentre sur la blonde adossée contre le mur, en pleine réflexion.

— Je suis désolée Yéléna, j'essaie vraiment, pardonne-moi, je...

Sa voix se meurt sur ses lèvres pendant que la furie s'assoit à ses côtés sur le lit pour prendre ma lionne dans ses bras. Ça aussi, c'est nouveau.

— J't'en veux pas, t'inquiètes.

— Et toi là, viens avec nous, s'énerve le Français, je déconne pas ! On se casse et on se retourne pas ! Faut pas rester ici.

Je fronce les sourcils. Il va me briser les couilles, le Français, s'il commence à monter la tête de sa frangine ET de mon amie.

Mon portable vibre dans ma poche pour m'avertir de l'arrivée d'un message. Gale débarque à mes côtés, je m'apprête à ouvrir la porte quand mon pote sort son mobile.

Seyfer se pointe en quatrième en vitesse, mon Prés' suivit d'autres de mes frères.

Je remarque immédiatement le teint livide du nettoyeur et la fureur imprimée sur les traits de Lennox.

Dans mon dos, une vidéo lancée sur le téléphone de mon ami d'enfance m'interpelle. Des bruits de claquements de peaux, des rires d'hommes et surtout une voix... une supplication avec un timbre cassé et un accent français.

« Pitié, je vous donnerais ce que vous voulez. »

Un hurlement à s'en fendre l'âme accompagne le son de la chair qu'on brûle. Alerte, mon attention se détourne sur l'écran du smartphone, où ce connard de Conrad White surplombe ma lionne, entravée, attachée à plat ventre sur une table, les yeux camouflés par de l'adhésif.

Il lui tire les cheveux, tout s'enfonçant en elle, son visage orienté directement vers la caméra, il m'assène de son regard cruel.

« Tu vas passer un message, histoire que ces connards d'Indians et de Wolves comprennent qu'on ne plaisante pas, ils doivent arrêter les deals ensemble et nous laisser la blanche. »

Je manque de m'écrouler sous le choc.

Mon cœur s'arrête de battre.

Juste une petite seconde. Avant que la rage ne coule dans mes veines. Que le poison de la vengeance n'imbibe mon sang et que la folie ne m'aveugle.

Eléonore a été blessée. On lui a fait du mal. Elle souffre parce qu'un connard a pensé qu'il pouvait mettre la main dessus en toute impunité.

Ce monstre... cet immonde bâtard va crever.

Je vais l'éviscérer, lui arracher les tripes après lui avoir sectionné la queue.

Je vais le découper, en petit morceau. Lacérer sa peau, le torturer. Il doit regretter d'être venu au monde.

Il va payer. Lui et tous les connards présents qui l'ont martyrisé.

Je vais brûler toute cette putain d'organisation.La marche blanche va être dissoute à coup d'acide, s'il le faut et tous ceuxqui ont participé, de près ou de loin, auront le même destin funeste.

Wild Wolves - DéloyalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant