Chapitre 43

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ELEONORE


J'ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour la sauver, mais j'ai échoué. Ma jeune patiente est décédée trente-sept heures après mon intervention.

Les lésions étaient bien trop importantes, son cœur s'est arrêté trois fois, la dernière fut celle de trop.

Dans un vrai hôpital, elle aurait sûrement eu une chance, mais là...

J'ai le goût âcre de la défaite dans la bouche. Je suis médecin, plutôt, je l'étais, mon travail a toujours été de secourir des vies. Malgré mon calme apparent, je me sens au plus mal. Démunie. À chaque fois que je perds un patient, j'ai comme l'impression de baigner dans un océan de doute. Qu'aurais-je pu faire de mieux pour la sauver ? Ai-je appliqué les bons gestes ?

Seyfer s'est occupé du corps. Lennox nous a informés qu'il était trop risqué pour le MC de lui accorder un enterrement digne. Puisque les services de police rôdent autour du club, à la suite d'un « étrange » incendie, Seyf s'est chargé de la faire disparaître.

Depuis, je ne pense qu'à elle. À sa famille. À cette tombe que personne n'ira pleurer. Où personne ne pourra se recueillir et se souvenir d'elle. J'imagine qu'ils la recherchent, qu'ils aimeraient savoir où se trouve, ce qu'elle est devenue. L'angoisse que doit provoquer son absence. L'urgence de la situation, remuer Terre et Ciel pour la retrouver. Comme je pourrais le faire pour mon frère.

Étrangement, c'est Yéléna qui essaie de me rassurer. À sa manière bien à elle, car, je cite « Tu te prends la tête, y a des tas de gens qui disparaissent chaque jour et le Monde continue de tourner. »

Comment arrive-t-elle à vivre avec ce genre de pensées ?

Je ne la connais pas vraiment, mais c'est sûr qu'on n'a pas grandi de la même manière. Je n'ai jamais rencontré une fille plus brutale qu'elle. Ni aussi fataliste.

C'est peut-être un peu utopiste, mais pour moi, l'Homme est bon jusqu'à preuve du contraire. À l'inverse, elle ne croit plus en l'âme humaine. C'est si défaitiste, si sombre que ça m'attriste pour elle.

Pour autant, la blonde a émis une remarque très pertinente. Elle m'a déclaré que j'avais effectué un drôle de choix de carrière :

« Être médecin, c'est prendre la décision d'une guerre que tu sais perdue d'avance. Tu peux remporter des batailles, mais l'issue sera toujours la même puisque la faucheuse n'épargne personne. »

Mon père aurait approuvé. Je pense également que nos professeurs d'université devraient tenir ce même discours à l'école de médecine. Ça nous aurait économisé bien des désillusions.

Depuis, j'erre dans le club depuis deux jours. En belle girouette que je suis, j'ai décidé de rester ici. Avec l'attaque qu'ils ont orchestrée — j'ai grappillé des informations auprès de Billy, quand il picole, c'est un vrai moulin à parole — j'imagine que des représailles vont avoir lieu et que je devrais intervenir. J'ai envie de me sentir utile. Et pas que, pour être honnête.

J'ai appelé Sonia, pour la rassurer dans un premier temps. Elle ne pouvait plus à me joindre — merci, Thomas, d'avoir oublié mon portable — mais également parce que j'avais besoin de m'épancher auprès de ma meilleure amie.

Sauf que j'aurais peut-être mieux fait de me taire. Elle m'a passé un de ces savons ! Pendant une heure, elle m'a rabâché que j'étais inconsciente de la laisser sans nouvelles et qu'elle avait réservé un billet d'avion pour venir me chercher.

Autant, ça m'a fait sincèrement plaisir qu'elle soit si angoissée pour moi. Je sais que c'est bête et qu'elle tient à moi, mais entendre qu'elle m'aime assez pour traverser un océan et partir à ma recherche... ça m'a fait du bien. Égoïstement. Mais, je m'en suis voulu immédiatement de ressentir ça. Elle aurait pu être en danger. À cause de moi.

Wild Wolves - DéloyalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant