Chapitre 38

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Drake

Je fume une clope sur le toit-terrasse de notre tattoo-shop avec mon meilleur ami. Thomas s'occupe de la prise de rendez-vous et de contacter tous les clients qu'on a été obligé d'annuler ces derniers temps. J'avoue que le bagout du français, son sens relationnel, est plutôt agréable. Ça nous évite d'être coupés dans notre travail pour répondre au téléphone.

Yél arrive et s'appuie contre la rambarde tout en s'allumant une cigarette à son tour. Mon pote se cale derrière elle pour la blottir dans ses bras.

— Putain, mais lâche-moi ! Je t'ai déjà dit que j'avais mal aux seins !

D'un mouvement d'épaule, elle se dégage de l'étreinte de Gale.

— Tu fais chier Yéléna, t'as tes règles ou quoi ?

Elle l'assassine du regard et souffle sa fumée sur le côté.

— Va retrouver une de tes pouffiasses que tu aimes tant.

Elle tire furieusement sur sa cigarette avant de l'écraser à la moitié et de retourner à l'intérieur.

Gale passe une main dans ses cheveux courts, dépité.

— Elle va me quitter...

— Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

— Je sais pas, elle me parle plus, elle se renferme. Je vois qu'elle est pas bien en ce moment. Ce matin encore elle vidait son estomac dans les chiottes, mais elle refusait de me laisser entrer. J'ai l'impression qu'elle m'en veut, j'ignore pourquoi, et ça me gonfle.

— Elle en a peut-être marre que tu te tapes tout ce qui bouge. Elle t'a trouvé avec une brebis ?

Il souffle, réfléchit un instant avant de me répondre.

— Non. J'baise personne d'autre. Hormis quelques flirts et cette connerie avec le toubib, il marque une pause pour tirer sur sa clope et lever un sourcil désolé, j'ai pas refait cette erreur depuis des années. Non... je crois qu'elle a chopé des messages.

Un vrai coureur, il ne peut pas s'en empêcher, il a besoin de draguer avec un tas de nanas, mais d'après lui, y a que Yél qui existe. Je pige que dalle à sa relation. Pour lui, du flirt, ça ne compte pas. Personnellement, à l'exception de mon incartade avec Eli, que je ne regrette pas, je n'ai jamais agi comme lui.

— Ouais, mais à continuer comme ça, elle va se barrer avec un autre mec et tu vas te retrouver tout seul comme un con.

— Je le bute.

Je ricane. Bien sûr qu'il flingue le pauvre type qui tenterait de se taper sa meuf. J'ai jamais vu un gars aussi dépendant de sa femme. J'aime mon frère, mais dans leur couple, c'est elle qui porte la culotte.

— C'est possible mec, c'est soit ça... soit elle est enceinte, songé-je.

Gale pouffe. Ce débile n'envisage pas cette possibilité. Pourtant, ça me paraît pas si délirant.

— Sérieux, je ne plaisante pas.

— Nan, Yéléna me l'aurait dit, elle me cacherait pas un truc pareil, je la connais. Et puis, regarde Becky, elle est enceinte et n'a rien de tout ça. Je pense plutôt qu'elle m'en veut pour quelque chose.

Je tire sur ma clope et fixe l'horizon, mes yeux se perdent dans les rues de la ville et sur les passants.

— Et tu ferais quoi si elle te disait qu'elle est cloque ? demandé-je curieux.

— Parles pas de malheur... c'est parce que tu te retrouves dans cette situation merdique que tu me demandes ça. Je te connais bien, t'as plutôt l'air d'avoir envie de te pendre que d'admettre que Becky te tient par les couilles.

Je mate mon pote qui abat ses lunettes de soleil sur le nez. Je ne suis pas du genre à parler de moi, mais avec Gale, c'est différent, j'ai grandi avec lui dans le foyer où j'étais, il est avant tout mon ami d'enfance avant d'être un frère d'armes.

— J'allais dire à Rebecca que je la quittais quand elle m'a annoncé qu'elle était enceinte.

Gale semble surpris, mais se tait, je continue sur ma lancée si ça m'aide à soulager ce perpétuel nœud que j'ai dans la poitrine.

— Je me souvenais pas l'avoir baisé, si elle m'avait pas rappelé qu'elle m'avait chauffé dans mon sommeil, j'aurais juré que ce gosse n'était pas le mien. J'ai le sentiment qu'elle m'a piégé pour que je reste près d'elle, ça me fout en rogne. J'avais confiance en elle et PUTAIN... elle m'a même pas prévenue qu'elle avait pas de contraceptifs.

— Tu lui as dit, à Eli je veux dire.

Je me penche au-dessus de la rambarde, tire une dernière latte sur ma clope et l'écrase dans le cendrier.

— Je lui ai dit que le gamin devait avoir son père et sa mère.

Je reconnais qu'après réflexion, j'aurais dû aborder la chose différemment, mais son rejet et ses accusations m'ont pris au dépourvu. Et quand on m'agresse, je ne sais pas faire autrement que répondre par l'offensive.

J'ai du mal à contrôler mes émotions, surtout quand il s'agit d'elle, de nous. Un nous qui n'existe plus. Et avec les annonces qu'ils ont faites hier, je me rends compte que Seyfer va s'impliquer encore plus.

Je me suis maîtrisé autant que possible pour ne pas lui fracasser la tronche quand je les ai découverts aussi proche. Je suis conscient que ce n'est qu'un rôle, mais les voir s'embrasser, même du bout des lèvres, puis porter le blouson avec l'écusson « propriété de Seyfer » ça m'a démoli.

Je ne devrais pas être autant jaloux de mon frère, mais c'est une émotion incontrôlable, tout comme le ressentiment que je développe envers Rebecca.

Pourtant, Becky ne sait rien de ce qui se trame dans mon crâne, ne se rend pas compte du mal qui me ronge. De prime abord, je pensais qu'elle n'y était pour rien. Que c'est moi qui ai joué au con à ne pas assumer mes sentiments. En cherchant comment préserver Rebecca. Sauf que maintenant, je me retrouve coincé.

Si seulement nous en avions discuté...

Il n'y a pas à dire, sans la communication dans un couple, les choses peuvent vite dégénérer.

Gale derrière moi, j'ouvre la porte métallique qui débouche sur l'escalier en colimaçon du shop. J'entends d'ici brailler Yéléna. C'est vrai qu'elle semble tendue en ce moment et est à fleur de peau. Sa cible privilégiée est justement Rebecca. A priori, cette dernière vient d'arriver puisque je perçois la blonde lui hurler dessus, suffisamment fort pour que quelques bribes de mots nous parviennent. « T'es qu'une putain de manipulatrice, casse-toi ! » suivi de « Oh, mais tu peux parler ».

Je sens que la pause déjeunée va être parfaite...

— Yéléna veut pas de mon blouson... elle m'a dit non.

Bouche bée, je fixe mon frère qui descend les marches pour retourner bosser sur les projets en cours.

Je savais que Gale espérait que sa blonde devienne sa régulière, mais il est tellement instable avec elle. Il donne l'impression d'être à la rechercher d'une herbe plus fraîche et plus verte ailleurs. Pas étonnant qu'elle refuse.

Pour ma part, c'est hors de question que Rebecca porte mon blouson. Si précédemment je doutais, aujourd'hui je ne suis sûr que pour deux points, elle est la mère de mon gosse et j'ai besoin de mettre mes idées à plat avant d'envisager ça.

Et avec la guerre à venir contre les nazis, les taupes au sein du MC et l'expédition punitive prévue demain, je n'ai pas la tête à ça.

Les frères et le club avant tout. Point barre.

Wild Wolves - DéloyalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant