Chapitre 46

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Eléonore



Drake a le don de perpétuer des moments magiques. Blotti contre lui, je songe à ses confessions de la nuit dernière. Il ne m'a pas dit qu'il m'aimait, mais j'ai compris à travers ses gestes combien il tient à moi.

Certes, il y a Rebecca, mais ils ne sont plus ensemble. Je le savais, mais l'entendre de sa bouche m'a procuré plus de bien que je ne le soupçonnais. Il souhaite me laisser une place dans sa vie tout comme il désire être présent pour élever son enfant.

Au fond de moi, je suis persuadée qu'il sera un bon papa. Il a peur de réaliser les mêmes erreurs que ses géniteurs, d'être un fléau pour son petit. Comme l'a été son père. Et, je pense que justement, c'est ce qui fera de lui un bon parent. Même si c'est pour partager sa parentalité avec sa « meilleure amie ».

Il s'inquiète pour elle car elle ne lui a envoyé que quelques messages depuis son départ. Dans ce climat anxiogène, je conçois que ce dur pour lui, mais il a fait son choix. Cependant, Tank est chargé de la protéger.

Maintenant, il va falloir qu'on détermine ce qu'on va dire à ses compagnons. Après tout, je suis cataloguée comme la régulière de Seyfer. Selon leurs lois, c'est mal vu de convoiter la régulière d'un de ses frères.

Sauf que je n'ai jamais été avec Seyfer. Il est un bon ami, mais rien de plus. Mon pilier ici.

Ses paumes glissent sur mon flanc et je le surprends à respirer mes cheveux.

— Je pourrais m'habituer à t'avoir dans mon lit chaque nuit.

Je souris, ravie de l'entendre.

— Et je pourrais m'habituer à vivre toutes mes nuits avec toi.

Ses doigts sous mon menton, il tourne mon visage vers le sien pour déposer ses lèvres contre les miennes. Je me redresse, aguicheuse, et m'installe à califourchon sur lui, sa queue enfle sous mes fesses.

Je nous masturbe en me dandinant davantage. Ses deux mains sur mes hanches, j'effectue des va et vient de plus en plus vite, de plus en plus fort.

Je pince mes tétons, bascule la tête en arrière, la chaleur sensuelle du plaisir gonfle un peu plus dans ma poitrine.

Oh pétard... c'est si bon.

BAM BAM BAM, des coups portés contre le panneau de bois qui s'ouvre sur Gale. J'attrape le drap et me couvre.

— Bordel, tu fais chier !

Drake quitte le lit et s'empresse d'enfiler son boxer, ses cheveux blonds en bataille.

— Oh ça va ! Si tu répondais à ton portable, je n'aurais pas eu besoin de me pointer.

Regard mauvais de Drake pour son ami.

OK, bulle de douceur et de luxure matinale envolée. Il extirpe son téléphone de la poche de son jean gisant au sol et lui montre.

— Plus de batteries.

Gale lui lance le sien et Drake l'attrape avec dextérité.

— Appel Becky, ça urge.

Mon amant dépose un baiser sur mon front et quitte la pièce sans un mot. Un sentiment de malaise m'étreint si fort que je crains de m'étouffer. Les battements de mon cœur se font plus rapides et je suis complètement dégoûtée qu'il m'abandonne, sans s'exprimer plus que ça.

Relativisons. Ce n'est qu'un coup de fil, après tout. Avec leurs passifs, je peux bien prendre sur moi. Car c'est moi qu'il a choisi.

Oui, c'est moi qu'il a choisi.

*****

Je quitte de la salle de bain où j'ai pris soin d'éliminer toutes les traces de notre nuit de débauche. Drake patiente, assis sur lit. Il porte son cuir et paraît être sur le point de partir. Son regard orienté vers la fenêtre, j'aimerais connaître ses réflexions. Il semble si désemparé.

— Rebecca a perdu le bébé.

Scotchée par cette révélation, je ne sais quoi dire. Je suis navrée pour lui. Il le voulait cet enfant.

Cependant, une honteuse et perfide part de moi se réjouit de cette nouvelle.

— T'as entendu ?

Je me ressaisis et avance vers lui, tendant mes mains.

— Je suis désolée.

Son regard inquisiteur m'évalue avant de hocher la tête à la négative.

— Non, tu l'es pas.

Je ne prends même pas la peine de nier. Il se redresse d'un bond, un air impassible vissé sur ses traits.

— Je vais chercher Becky à l'hôpital.

— D'accord... vous revenez ici après ?

Sa mâchoire se crispe un instant. Il pèse sûrement la suite des propos qu'il va tenir. Je ressens sa colère. Je ne pense pas qu'elle soit dirigée contre moi.

— Non, je l'emmène se mettre au vert.

Le poison de la jalousie parcourt mes veines. Mon cœur, déjà trop abîmé avec cette relation qu'il entretient avec elle, bat à un rythme effréné. J'ai peur qu'il m'oublie, qu'il m'abandonne encore une fois, pour elle.

— Combien de temps ?

— Je sais pas putain ! Une semaine ou deux ! Le temps qu'il lui faudra pour se remettre de la perte de notre enfant !

Je recule sous l'impact de ses mots. Fini la nuit magique. Bonjour, connard de service. Je sais qu'il est triste, mais je ne mérite pas sa rogne.

— Et nous ?

J'ose demander. Quitte à être stupide, autant l'être jusqu'au bout.

— Je sais pas, putain ! T'attends pas à ce qu'on montre quoique ce soit devant elle, c'est déjà bien assez dur comme ça.

Des balles et des larmes... Pire qu'un revolver, chacun de ses mots me percute. Ai-je bien fait de le laisser revenir ?

Je reflue l'amertume qui monte. Satanée émotivité qui ravage mes tripes.

Je détourne mon attention vers la commode où j'espère trouver des vêtements. De toute façon, il va partir quoique je dise, quoi que je fasse.

J'extirpe un tee-shirt noir à l'effigie du club et l'enfile par-dessus ma serviette — ma pudeur se réveille, étrangement — quand deux bras m'entourent un instant.

— Eli... je...

Foutues larmes qui coulent sur mes joues. C'est un adieu que je ressens. Pourquoi ai-je l'impression que nous ne pourrons jamais être ensemble ? Qu'il y aura toujours quelqu'un pour nous empêcher de vivre notre relation.

Accepter. Endurer pour grappiller des miettes d'amour.

— Je voulais pas être...

— Être un con.

— Ouais. J'ai systématiquement pris soin de Becky et elle est à l'hôpital parce qu'elle a perdu le bébé. Notre bébé. Je sais pas comment réagir.

Des excuses ? Des mots d'adieux ? Alors je me retourne et le contemple un instant. Je n'ai aucune emprise sur les paroles qui sortent de ma bouche, mais que je pense du fond du cœur.

— Je t'aime.

Bien que ce ne soit pas la première, je perçois le choc sur ses traits. J'espère qu'il lit en moi toute la sincérité que j'éprouve à cet instant. Ses mains plaquées sur mes joues, il presse ses lèvres contre les miennes.

— Je reviens vite, ma lionne.

Il s'en va. Il me laisse seule. J'ai envie de le retenir, qu'il ne me quitte pas. J'ai cette désagréable impression que quelque chose se trame. Quelque chose de terrible.

Wild Wolves - DéloyalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant