Chapitre 62

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Eléonore

Un mois que nous sommes installés dans l'ancienne ferme de Loki, dans l'Illinois. Nous avons rencontré sa mère, Annie, une charmante femme et très bien encadrée dans sa maison de retraite.

Alzheimer est une maladie terrible. Elle touche le système nerveux, génère une perte du dispositif musculaire, des troubles de la mémoire et bien d'autres encore. La personne atteinte demeure bloquée dans une période de sa vie qu'elle affectionne.

Alors, pendant près d'une semaine, nous avons côtoyé Annie, cette femme de soixante-dix-sept ans, enfermée dans une époque, sans doute la plus douce à ses yeux, elle nous racontait son amour profond pour ses terres, sa relation parfois conflictuelle, mais ô combien passionnelle avec son mari, l'enfance de Luc, un gentil garçon dévoué et toujours prêt à aider ses parents. Luc, un grand farceur qui lui a valu très jeune le surnom de Loki.

L'affection dans son timbre, pour son unique enfant, était si touchante. Il lui manquait tant.

Cependant, lors de notre dernière rencontre, elle était d'une lucidité incroyable. Sa maladie semblait si loin, quand elle a pris ma main et m'a demandé de sa faible voix, tremblante et éraillée si son petit Loki allait bien. Je n'ai pas su quoi répondre. Je suis restée sans aphone si longtemps que je pense que c'est à ce moment-là qu'elle a compris.

Mon mutisme soudain et cette tristesse qui a envahi ses yeux. Puis au bout d'interminables secondes, elle est retournée dans sa bulle de bonheur, à l'époque où elle vivait encore avec son mari et son fils, nous racontant les dernières bêtises de son garçon.

Le lendemain matin, l'infirmière de garde m'appelait pour m'avertir qu'elle était décédée dans son sommeil. Cette nouvelle m'a heurtée plus que je ne l'imaginais.

Concernant ma convalescence, je tente de prendre le recul nécessaire, effectue un pas chaque jour vers la guérison. Du moins, je l'espère. Mes nuits sont peuplées de cauchemars, mais ils sont moins fréquents et je n'avale plus aucun médicament.

Je garde cet objectif : apprendre à vivre avec cette nouvelle version de moi. De comprendre qui je suis, de trouver un but dans mon existence. Mais dans tout ce chaos, je ne me sens pas seule. Yéléna et mon frère sont avec moi. Ils m'aident à m'ancrer dans la réalité, à gérer au mieux mes sentiments. Grâce à eux, mes émotions me submergent moins. Mes démons, comme je les nomme, sont moins omniprésents. Toutefois, ils sont là, à attendre que je baisse ma garde. Je les ressens, parfois, gratter sous ma peau.

M'éloigner du club est sans doute la meilleure décision que j'ai prise pour ma reconstruction. Je n'ai plu l'impression d'être oppressée.

Thomas se soucie énormément de moi. Il me demande plusieurs fois par jour comment je vais, et, quand il ne dit rien, je discerne cette inquiétude dans ses yeux. La peur que je commette une bêtise, la crainte de me perdre.

Il n'y a pas que moi à qui on a fait du mal, mon frère aussi souffre. Il endure pour moi. À cause de moi.

Yéléna est toujours avec nous. Elle n'est pas plus expressive qu'au club, cependant, depuis que nous avions lié cette amitié un peu biscornue, elle me prouve qu'elle est là. Qu'elle me soutient.

J'ai cette étrange impression que c'est nous trois contre le reste du Monde.

Enfin... nous quatre. Dean continue de nous suivre. De loin. J'ai cru apercevoir Thalès une fois, mais je n'en suis pas bien sûr. C'était à notre arrivée et je prenais encore mes anxiolytiques. Ma perception de la réalité était altérée.

Concernant Dean, il nous laisse vivre notre vie. Yéléna affirme qu'il garantit notre protection. Thomas voit ça d'un mauvais œil, pour rapporter nos faits et gestes ou nous renvoyer à Charleston. Quant à moi, je me demande s'il reste avec nous pour notre sécurité où pour s'assurer que je remplisse ma part auprès de Lennox.

Wild Wolves - DéloyalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant