Eléonore
— T'as une sale gueule, objecte Seyfer.
J'étais justement en train de me faire la même réflexion. Mes yeux sont cernés, rouges et gonflés. Et je ne parle pas de l'arc-en-ciel qui débute de mon arcade et descend jusque sur ma joue gauche. Au moins, mon agresseur m'a épargné une rhinoplastie.
— Merci, c'est gentil. Toi aussi, tu es canon, comme toujours, raillé-je.
— T'as fini ?
— Presque.
Je rince ma brosse à dents et la dépose dans le pot, à côté de celle de Seyfer. Je réajuste le tee-shirt que m'a prêté mon colocataire et parfais le nœud du jogging dix fois trop grand.
Dans le départ précipité pour venir ici, mon frère a préparé une valise, mais a oublié l'essentiel : des tenues. Bon, il a pensé au matériel médical de papa, aux médicaments et à de la lingerie. Ainsi que deux robes. Deux robes.
Donc, n'ayant pas de quoi me vêtir et ne pouvant effectuer autant de lessives que je le veux, je porte des habits appartenant soit à Seyfer, à Xander ou Lennox ou, comme hier, ceux que les « jolis-culs » ont laissé traîner au club et figurent dans les objets trouvés.
J'ai beaucoup de mal avec cette appellation. « Jolis-culs ».
Même si c'est mieux que « brebis » ou friandises. « Sweeties ».
Non, c'est certain, « jolis-culs » représente moins le petit agneau qui va se faire dévorer par le méchant loup. Ces femmes offrent leurs charmes aux motards et ne sont pas vraiment appréciées de celles qu'ils nomment « régulières ». Il n'y en a pas beaucoup, Sophie, une jolie rousse et la compagne de Roghnart et Yéléna. Pour la blonde, je n'en suis pas sûre. Celle-ci ne porte pas le blouson en cuir officiel avec la désignation « propriété de Gale ». Lacreyme est resté vague à ce sujet. Cependant, j'ai remarqué que les membres lui témoignaient beaucoup plus de respect qu'envers toutes les autres filles.
Concernant les « jolis-culs », je me demande comment en sont-elles arrivées ici, à s'allonger pour bénéficier d'une protection, ou pour trouver un homme fort pour prendre soin d'elles. Peut-être est-ce mon côté « Martine veut sauver le monde ». Je ne les juge pas, du moins, j'essaie, je les plains. Je tente de comprendre leurs motivations. À moins qu'elles soient comme Sonia et d'autres filles de ma connaissance : se faire plaisir et coucher avec des hommes pour se sentir vivante et vivre « d'orgasmes et d'eau fraîche ».
Je ne suis pas là mieux placée pour dire quoique ce soit de toute façon.
Bref. Concernant ma garde-robe, il est primordial que je la complète, puisque ce n'est pas dans ma nature de porter soit des jupes en cuir minimaliste, soit des pantalons en sky qui te font suer comme un oignon dans une casserole ou avoir la raie en sauce.
Dans la mesure ou personne ne m'a apporté quelque chose de décent, je vais devoir passer commande. Et rapidement.
Je me retourne sur Seyfer qui passe l'encadrement de la porte et... oh mon Dieu !
— Qu'est-ce que tu fous à poil ?
Pétard ! C'est dingue comme il est bien foutu ! Comment est-ce possible qu'il ait autant d'abdominaux ? Je m'impose à remonter les yeux sur son visage bien que j'ai vraiment envie de regarder plus bas. Si ce n'est pas pour moi, je peux peut-être faire ça pour Lacreyme et confirmer si sa pensée est la bonne.
Non, mais à quoi je songe ?! Pas de ça entre nous.
— Bin quoi, t'as dit que t'avais fini, et je vais prendre ma douche.
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Wild Wolves - Déloyal
RomanceEléonore a vu sa vie basculer deux ans plus tôt. Un besoin viscéral de changement la pousse à quitter Paris, son travail de médecin et ses amis. Ainsi, en pleine reconstruction, elle réside avec son jeune frère dans la petite bourgade de Brownville...