Wild Wolves - Déloyal

Chapitre 39

Éléonore

Le Hot-Pussy. Seyfer avait beau me rassurer, j'imaginais cet endroit comme un lieu infâme, suintant la luxure et la perdition.

Contre toute attente, c'est très joli ! Face à l'entrée, un long bar en bois sombre est disposé sur tout un pan de mur. Des chaises et des tables de la même matière sont éparpillées un peu partout et quelques banquettes sont installées contre les cloisons.

Au milieu se dresse une large scène avec trois barres de pôle dance. Le tout dans une ambiance feutrée grâce aux nombreux voilages rose, violet et noir. La décoration est très jolie et harmonieuse. Loin du cadre sinistre que j'avais en tête.

Rassurée ce sur point, cela ne m'empêche pas de stresser à l'idée de travailler dans un club de strip-tease. C'est tellement loin du milieu dans lequel j'ai grandi, évolué. Bien que Thomas semble s'acclimater parfaitement, j'avoue que pour ma part, je rencontre des difficultés, quelques réticences.. C'est si étrange de me dire que je vais devoir me fondre dans cet environnement. Je me sens comme une biche prise au piège au sein d'une meute de loups. Ce n'est pas ma place. Cet endroit. Ce club. Cette guerre qui se profile.

Pourtant... pourtant, je m'y tiens et je résiste. Je ressens, malgré moi, ce besoin d'acceptation. D'approbation. Je sais qu'une part de moi a constamment éprouvé cette nécessité d'être entérinée. Validée. Reconnue. Je ne devrais pas, mais, si je suis honnête deux minutes avec moi-même, ça a toujours été le cas.

Alors je tente et je persévère.

Cependant, j'ai aussi cette impression de changer. C'est imperceptible, mais c'est bien présent. Il y a peu, jamais je n'aurais tiré de satisfaction face à la mort d'un homme. Pourtant, c'est bien ce que j'ai ressenti pour mon agresseur.

C'est si déroutant.

Suis-je en train de me perdre ? Moi ? Et les valeurs que je défends ?

J'angoisse. Je suis sûre que les filles vont encore m'en mettre plein la tronche. Surtout qu'elles ne me connaissent pas et que je vais devenir leur « boss ». Enfin, la femme du boss, mais d'après Seyfer, c'est du pareil au même.

Ma fonction ici, ce sera de m'assurer que le personnel ne manque de rien, soigner leurs blessures, m'occuper des tâches administratives et potentiellement du bar si besoin. Seyfer va gérer la sécurité, organiser la protection des lieux ainsi que toute l'intendance.

Bon, il m'a prévenu d'un point important. Crucial même. D'ailleurs, heureusement qu'il m'a informé, je serai tombé de haut, sinon. Le club de strip-tease est également un réseau de prostitution. Et ça... je ne pensais pas que les gars trempaient là-dedans. Je m'étais attendu à des arènes de combats, comme dans le film « Fight Club » — ce qu'il se passe dans le Fight Club, reste dans le Fight Club — voire de la vente d'armes. J'ai immédiatement exclu le trafic de drogue ou de médicaments... mais de la prostitution ? Vraiment ?

Certes, j'ai écouté leurs arguments, comme quoi il est préférable se prostituent ici, dans un lieu sécurisé, plutôt que dans la rue. Qu'au moins, elles sont entre de bonnes mains, pas à la merci de proxénète peu scrupuleux qui s'empare de la majorité de leurs gains. J'ai entendu leurs raisonnements. Je peux potentiellement concevoir, mais... mais je crois que dans le fond, ça me dérange.

A priori, les danseuses n'exercent pas toutes cette fonction. Sauf que, maintenant que je suis dans le bureau, à prendre mes marques avec l'organisation, à prendre connaissance de la liste du personnel, je ne peux m'empêcher de me demander qui vend son corps ? Qui ne le fait pas ?