Partie cinq

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Mais vous savez, on peut trouver du bonheur même dans les endroits les plus sombres. Il suffit de se souvenir d'allumer la lumière.

Massey's Industrie et une fourmilière comportant majoritairement des femmes toutes les unes plus belle que les autres. Plus elles me regarde comme celle qui incarne la personnage principale dans Ugly Betty et plus finalement la beauté me paraît soudainement subjective. A quoi bon faire une taille mannequin si vous êtes pourrie jusqu'à la moelle. Faute de temps, les yeux collés a cause de mon maquillage de la veille, je me dirige vers le bureau de mon nouveau boss insatisfait qui risque de trouver encore quelque chose a redire seulement dans le but de m'emmerder. 

— Vous êtes en retard.

Le soulagement se peint sur mon visage en constatant tout de même que ça ne soit que d'une petite minute.

— Je suis désolée, je ne suis toujours pas habituée a la circulation New-yorkaise. Dis-je d'une voix penaude. J'avais une trottinette a Paris mais difficile de la faire venir avec moi dans l'avion.

— Je suis certain que votre histoire est très touchante mais la tout de suite, vous m'ennuyez a mourir.

Les mots piquent ma langue en refermant rapidement la bouche avant qu'ils n'en sortent. Est-il tout le temps aussi direct ? Je dois me taire, il ne peut en être autrement après ma gourde au Manhattan Club. En réalité, j'aimerais être partout ailleurs que dans cette pièce avec lui et son silence olympien. Je garde mon calme et j'en parle a un adulte. Debout, les bras ballants, il ne m'invite pas a m'assoir, pire encore il me snobe en continuant a lire ses dossiers sur la table.

— Vous comptez peut-être que je fasse votre boulot en plus du mien ?

Nos regards se rencontrent pour la première fois de la matinée et je regrette que cela soit aussi envoûtant. C'est vrai, je ne devrais pas me noyer dans l'abysse de ses iris obscurs surtout dans une situation aussi embarrassante. Mon avenir est en jeu, fin du moins ce qu'il en reste.

— Pourquoi, faire semblant de lire une feuille ça vous demande beaucoup d'effort Monsieur Collins ?

Son sourire est tout bonnement diabolique en me poussant deux gros dossiers dans ma direction.

— Oui, tellement que vous allez le faire a ma place Mademoiselle... Me dit-il en m'invitant a le suivre. Voilà votre nouveau chez-vous, j'espère que ce sera suffisamment confortable pour vous.

A ma grande surprise, la pièce est tout aussi petite qu'un rangement a balai. Muette, je m'arrête dans son embrasure de porte en sentant déjà une maudite crise de claustrophobie me gagnait. Il veut me punir pour la maladresse de mes mots et il a raison, œil pour œil et dent pour dent.

— Petit mais pratique, je veux avoir un œil en permanence sur vous.

— Dis comme ça vous êtes flippant, moi je ne veux pas en tout cas.

— Sauf erreur de ma part, personne ne vous demande votre avis, June. Me dit-il d'un ton lasse. Les princesses vivent dans des châteaux et les gueuses dans les chaumières. Vous me suivez toujours ?

Son souffle brûlant caresse ma nuque en se positionnant dans mon dos. Je m'assois en vitesse sur la chaise vacillante qui domine la pièce et tire sur la cordelle du store qui m'offre une vue plongeante sur son bureau fait tout de baies vitrées.

— Vous avez des questions ?

— Non plutôt un conseil. Dis-je sur le même ton de provocation. Si vous souhaitez par inadvertance utiliser la bouche d'une de vos pestes pour vous procurer du plaisir surtout prenez-en une qui ne simule pas.

Qu'elles que soient les raisons de ce mensonge il est uniquement dans le but de le mettre hors de lui. Je touche une corde sensible visiblement puisque il ne dit plus un mot durant les secondes suivant mes propos.

— Vous êtes sexologue a vos heures perdues maintenant ? Me demande-t-il curieux. Que dois je faire alors ? Prendre la peste qui se trouve déjà dans mon bureau par exemple ?

Le renvoie de la balle a un goût amère en lui ordonnant de sortir de la pièce. Jared se fait maniable en attendant que je lui referme la porte au nez pour en rire. Je m'assois sur ma chaise branlante, les joues cramoisies de honte en baissant les yeux sur la tonne de dossiers sur la table. Plus les papiers virevoltent sous mes yeux et plus je me demande si je vais survivre a cette fatigue intense sans café mais surtout a la voix de velours de mon patron en pleine discussion en Visio avec des potentiels investisseurs. Je profite de ce moment opportun pour le contourner discrètement et sortir du bureau sous son regard inquisiteur. Je m'excuse même si je ne le pense pas et referme la porte dans mon dos en trottinant presque vers la machine.

— Tu dois être June ?

Une femme dont j'ignorais son existence jusqu'à maintenant me surplombe de sa haute stature tout en se reposant avec nonchalance sur la machine.

— On se connaît ?
Demandai-je sur le même ton.

— Je m'appelle Nora.

Et je suis a peu près certaine que Nora et moi ne serons pas de grande copine si j'ose en croire ses lèvres pincées comme celles d'un crabe et la mine boudeuse et hautaine qu'elle affiche en me scrutant comme un nouveau jouet. 

— Cool, tu cherches quelque chose ?

— Seulement voir de mes propre yeux la personne qui m'a volé mon poste d'assistance. Me dit-elle d'un sourire sans joie. Je m'attendais a moins fade si tu veux mon avis.

Les yeux arrondis par son contexte, je regrette finalement d'être venue. J'avais une notion que les gens du monde de la mode ne sont pas les plus sympas qui existent mais cette femme est encore un cran au-dessus. La question qui me vient est seulement de comprendre pourquoi vouloir me prendre moi plutôt qu'elle pour ce poste. Pas la langue dans ma poche pour autant, je me redresse dans la confrontation en touillant mon café d'un air mauvais.

— Alors heureusement pour moi que je m'en fous de ce que tu penses, non ?

Ses grands yeux sous une tonne de maquillage se plissent soudainement.

— Oui tu l'as dit, heureusement.

Nora ne demande pas son reste et s'en va aussi vite qu'elle est arrivée. Je retourne de même a mon travail en me faisant toute petite lorsque je pose un gobelet fumant sous son nez. La conversation entre eux semble avoir pris un tournant important a la façon dont il ne me remercie pas et me fait signe de retourner m'assoir.

— Se joindra-t-elle a nous lors du prochain gala ?
Demande un homme.

— Je ne suis pas certain qu'elle soit disponible.

Les deux hommes discute sans que je ne comprenne un traître mot de leur charabia. De qui parlent-t-ils ? Curieuse mais pas suicidaire pour autant je referme discrètement la porte et poursuit la lecture des mails en cours ainsi que la gestion de planning du sosie de Christian Grey. A la fin de leur discussion plus ou moins animée, mon nom porte au loin de son timbre autoritaire.

— Vous êtes satisfaite ?
Me demande-t-il en joignant ses mains ensemble.

— Je ne suis pas certaine de comprendre.

— Le client souhaite que vous soyez disponible pour nos futurs rendez-vous. Me dit-il de mauvaise humeur. Réserver une table dans un restaurant étoilé, nous devons faire bonne impression.

My only one Où les histoires vivent. Découvrez maintenant