Partie soixante

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Sans toi les émotions d'aujourd'hui ne sont que la peau morte des émotions d'autrefois.

~~~ Point de vue de Jared. ~~~

Je m'asphyxie en luttant corps et âme contre ce petit diable dans ma tête qui joue avec ma patience. Cette situation est tout bonnement de la torture. Je la regarde, les lèvres encore pleines et violacées tant mon bouche a bouche m'a coûté de ma personne. J'ai vraiment fait tout mon possible, elle n'est pas revenue à elle ni même dans le camion où je me suis presque battu avec un type parce qu'il ne voulait pas que je vienne avec eux.

— Allez mon chou, on sort de cette chambre.

Une infirmière rondouillarde me donne une petite claque en haut du crâne en me tirant de mes rêveries. Garce, je ne sortirai pas de cette pièce même contraint de force.

— Pas question.

Je me braque comme un gamin en croisant mes bras contre mon torse. Elle lève les yeux en faisant mine de ne pas m'entendre et s'attaque à la toilette de ma femme. Toilette ?

— Non mais vous faites quoi espèce de perverse ?

Celle qui apparement s'appelle Benny rigole en formant presque une deuxième bouche à cause de son double menton.

— Être infirmière consiste aussi à faire la toilette aux patients, Monsieur Collins. Me dit-elle en me balançant un gant en pleine tronche. Occupez-vous plutôt de mettre de l'eau tiède là-dessus.

— Je m'en occupe, mais enlevez vos sales mains de son corps, vous avez compris ?

Je vais en vitesse à la salle de bain en passant de temps en temps un coup d'œil à cette Benny vraiment flippante qui s'allume une cigarette en ouvrant la fenêtre de la chambre.

— Rassurez-moi, vous êtes vraiment infirmière ?

Elle me lance une cigarette que je rattrape de justesse et un briquet. Putain, je ressens le manque soudain de la nicotine en tremblant légèrement à la première taffe.

— Ça fait plus de quinze ans que j'exerce cette profession, j'ai certain droit qu'ils n'autorisent pas aux nouveaux.

Nous restons silencieux et ça me convient parfaitement. Je ne suis pas du genre grande discussion avec des gens que je ne connais pas, j'aime ma solitude mais à cet instant, je rêve que June me bourre le crâne de connerie qui ne font rire personne. Putain, merde je jure que je rirais à tout ce qu'elle me dira seulement parce que cette femme a le plus beau sourire que je connaisse.

— Je ne connais pas beaucoup de personne qui arrive à se battre comme elle le fait. Me dit Benny en soupirant. Tu as des regrets mon chou ?

— Bizarrement, ouais.

Je n'ai jamais dit < Je t'aime. > à June parce que j'avais la trouille de ne plus être maître de mes sentiments. Abruti, c'est vraiment le mot. Je pensais que de le dire à voix haute me rendrait vulnérable alors que maintenant je regrette qu'elle ne soit pas au courant de ce que je ressens.

— Ils entendent tout, parle-lui comme si elle été là.

Elle me donne une petite tape avant de sortir de la pièce. Je fais ce qu'elle me dit, je n'ai plus rien à perdre de toute façon mais le problème c'est que je ne sais pas quoi lui dire. Je reste un moment agacé sur ma chaise avec comme simple soulagement cette main manucurée dans la mienne.

« Allez gros con, c'est pas sorcier ce qu'on te demande. »

Là c'est le petit ange qui me parle parce que vous n'imaginez pas ce que mon diable me chuchote à l'oreille.

— Bon apparement faut que je te parle, princesse.

Je me donne une claque monumentale, non mais je me crois où moi ? Allez mec, reste toi-même.

— Bon je vais pas passer par quatre chemin, ok ? Tu ouvre les yeux, je te dis que je t'aime et on va faire une putain de fête à Dubai pour l'anniversaire de mon pote, tu piges ?

L'électrocardiogramme s'affole en m'indiquant que son cœur bat plus rapidement que la normale. Ah bah voila le putain de signe du destin que je voulais. Est-ce qu'elle m'insulte là où elle est en train de me dire qu'elle m'aime aussi ? L'infirmière Benny rentre en courant dans la pièce en me poussant comme un taureau. Du calme, c'est toi qui m'a dit de faire la discussion, tu te souviens j'espère ?

— Nous sommes en train de la perdre ! Hurle t-elle à un type avec une blouse en plastique. MASQUE À OXYGÈNE DIMITRI, TOUT DE SUITE !

— Non mais attendez c'est un putain de stagiaire qui s'occupe de ma femme !

Je prends moi-même le masque à oxygène en lui mettant sur le visage. L'infirmière me fusille du regard en m'ordonnant de sortir de la chambre. Impossible alors là, j'ai certainement pas confiance.
Je me recule d'un pas comme pour lui faire comprendre que je n'interviendrais plus mais je crois qu'on va bientôt être dans l'obligation de m'en mettre un aussi.

— Insuffisance respiratoire, on applique la DAE.

Je comprends bien que trop rapidement en quoi consiste la DAE. Ils passent de manière brève un courant électrique dans votre cœur lorsque celui-ci est trop rapide. Benny frotte deux électrodes entre elles avant de les mettre sur la cage thoracique de June. L'impulsion est tellement importante que son corps se relève légèrement. Merde, pourquoi je pleure encore comme une mauviette.

— Son rythme cardiaque se stabilise. Insiste Rondoudou en s'essuyant le front.

Dimitri le stagiaire me menace du coin de l'œil en suivant Benny qui ne remarque rien à notre petite confrontation. Il me frôle en passant avant de donner un petit coup de coude qui ne me plaît absolument pas. J'attrape sa blouse en plastique d'une main en le soulevant, il s'agite comme un lâche en m'insultant.

— Mais lâche-moi Connard !

Benny complètement à l'Ouest est déjà partit et sans le savoir me donne la possibilité de mettre une bonne raclée à son débutant.

— Tu vas me dire ton problème, maintenant.

Je le repose sur la terre ferme mais il me repousse avec virulence. Il a bien plus de force que je le croyais.

— J'apprends mon boulot, ok ? Le putain de stagiaire comme tu m'appelles va s'occuper de ta copine la morte, tu as compris ?

Je vois soudainement rouge à ses mots, est-ce que j'ai bien compris ce qu'il vient de me dire ? Je le repousse tellement fort que nous atterrissons dans les couloirs où certains patients s'enlèvent rapidement de notre chemin en regardant le spectacle. Je vais me le faire celui-là.

My only one Où les histoires vivent. Découvrez maintenant