Chapitte cent quatre

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Les seuls beaux yeux sont ceux qui vous regardent avec tendresse.

Point de vue de Jared.

Il y a des passages dans notre existence qu'on n'oublie certainement jamais. Celui d'une naissance, d'un drame, mais dans l'ensemble ma version de l'histoire est plutôt morbide. Je regarde ma femme au teint cireux en train de mettre un enfant au monde sans qu'elle n'en soit consciente. Allongée et inconsciente dans une salle lumineuse, le chirurgien trace habillement une petite marque contre la peau de son bas ventre puis incise sans aucun scrupule sous mes yeux. Je hurle, frappe d'un bon coup de poing contre la vitre sans tain mais il ne scille pas d'un millimètre en ne prenant certainement pas en compte mon avis de faire vivre ma femme avant mon enfant.

— Calmez-vous, votre petite fille est bientôt là.

Les sensations qui m'envahissent sont totalement indescriptibles. Je m'agrippe a une chaise en plastique en me demandant ce qui ne tourne pas rond chez eux. J'ai envie de faire taire cette petite sournoise d'infirmière qui me fait les yeux doux en se mordillant le lèvre comme une femme facile et de dire à ce gros con de chirurgien de foutre son maudit scalpel sagement contre la table.

— Vous avez besoin de quelque chose avant de rejoindre la couveuse ? Me demande-t'elle de sa voix mielleuse qui me tape sur le système.

— Je veux juste qu'on en finisse..

Cette brune aux taches de rousseurs me fait signe de la suivre jusqu'à la salle d'attente, mais je reste immobile en regardant ce minuscule bout de moi-même faire son apparition dans ma vie. Je m'enferme dans le silence malgré la voix aiguë de l'infirmière qui me recommande de la rejoindre et pose ma main contre la fenêtre froide en me renfermant sur moi-même. Je regarde les gens dans la pièce du bas avec un sourire aux coins des lèvres, les applaudissements de certains et les soulagements des autres sans croire que je suis père.

— Quinze heure tout pile et cette petite ressemble déjà à un ange..

Je contourne cette bonne femme en courant comme un dératé dans le gigantesque hall qui mène à la salle d'opération. Je dois être avec June, lui dire qu'elle est la personne sûrement la plus forte que je connaisse et qu'elle doit enfin me rejoindre.. nous rejoindre.

— Je vous félicite, elle est magnifique.

Un homme me coupe la route en me dirigeant jusqu'à la couveuse. Il m'apporte une combinaison complète de la tête aux pieds en me demandant tout souriant de le rejoindre devant un petit bloc en plastique. Je ne comprends rien et les larmes coulent de plus belle en regardant cette minuscule petite fille innocente entourée d'une grosse machine.

— Ella Collins.

J'ouvre la petite porte en insistant un bref instant à lui prendre la main. Je n'arrive toujours pas à croire qu'elle fait involontairement partie de mon monde depuis tout juste dix minutes et ça m'encourage à lui faire comprendre que je suis là quelque en soit le prix.

— Je te rappelle que c'est de ta faute autant que la mienne, alors ramène nous ta maman vite fait.

Je la regarde presque trop sévèrement, mais m'apaise petit à petit en comprenant qu'elle est en train de se battre aussi fort que June à ce moment-là. Elle est le fruit de notre passion dévorante, de notre confiance l'un envers l'autre et ça me redonne le sourire.

— Comment va-t'elle ?! Ma mère parle beaucoup trop fort en s'accrochant doucement à la couveuse.

— Comme une femme inconsciente qui vient de mettre au monde ce petit machin violet.

Je me reçois une légère claque contre le crâne et venant de ma mère, je crois qu'elle fait un effort.

— Je ne te parle pas de ta femme mais de ma petite fille.. C'est incroyable, elle te ressemble comme deux gouttes d'eau.

— Ne dit pas de connerie, tout vient de June.

~~~

Deux jours, deux semaines, deux mois à attendre une bonne nouvelle qui ne vient pas. Il n'y a plus rien qui compte à mes yeux mise à part cette envie de la prendre dans mes bras en lui disant qu'elle est une femme extraordinaire qui doit se battre autant que notre petite fille qui est à deux doigts de disparaître de cette couveuse. J'ai rendu visite à Ella tous les jours depuis deux mois en lui parlant de tout et de rien, de ma vie de merde depuis certainement mon adolescence et surtout de sa maman.

— Vous êtes prêt ? Me demande une infirmière en faisant son apparition dans la petite chambre. C'est une merveille de la nature et une battante.

Je suis exténué en relevant mollement mon visage du ventre de June. Ça fait exactement soixante-deux jours que je m'endors dans ce fauteuil ou dans la pouponnière en me demandant ce que j'ai fait d'autant terrible dans ma vie pour en être là. Apparement June est sur la bonne voie, mais je ne vois aucune amélioration depuis qu'elle est dans le coma et voilà que je dois subvenir aux nombreux besoins de ce petit poupon dans la vie de tous les jours.

Je me relève difficilement en entrant pour la première fois en contact avec elle. J'ouvre mes bras et l'infirmière me la positionne correctement en me donnant quelques conseils de base.

— Pourquoi elle chouine déjà ? Demandai-je en me raidissant au contact de ses pleurs.

— C'est l'heure du biberon, voilà pourquoi.

Benny tient un biberon dans sa main droite en me souriant chaleureusement. Cette femme forte qui m'a soutenu dans mes nombreuses péripéties a l'hôpital est de nouveau face à moi en essayant de me convaincre silencieusement que je suis capable de le faire.

— Je dois vraiment faire ça ?

Elle secoue le biberon en me le donnant.

— C'est ton rôle de le faire mais je reste avec toi si tu veux bien l'aide d'une mamie comme moi.. elle me donne une petite claque contre le crâne avant de rejoindre June où elle s'assure qu'il ne lui manque rien. Je suis désolée pour la dernière fois mon grand..

— C'est rien Benny, tu as raison de me dire les choses comme elles viennent.

Ses mots durs sont toujours douloureux quand je m'en rappelle, mais je dois apprendre à faire table rase du passé. Benny m'a beaucoup aidé autant pour June que pour moi lors de l'accident de voiture.

— Place ta main comme ça et sa tête au creux de ton bras..

Je m'exécute en suivant ses recommandations à la lettre et la petite s'arrête instinctivement de pleurer en souriant de temps à autre en deux gorgées. June serait fière de moi, j'en suis certain..

My only one Où les histoires vivent. Découvrez maintenant