My only one

Partie soixante deux

Il arrive toujours un moment où l'on doit montrer ses faiblesses. Quand nos secrets ne peuvent plus rester privés.

~~~ Point de vue de June. ~~~

Je souffre le martyre en retirant doucement mon masque à oxygène. Il m'empêche de reprendre une respiration convenable de moi-même, c'est frustrant. Je ne me rappelle presque de rien hormis certains flashs où j'ai entendue des voix lointaines. J'ouvre un œil difficilement, cette pièce ressemble à l'espace. Pleins de petites étoiles partout et la silhouette d'une femme à la tête difforme sous mon nez.

— Comment allez-vous, June ?

Ma bouche est sèche, je la referme subitement en remarquant que les mots ne sortent pas.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? Demande une autre voix à ma droite. Pourquoi elle ne parle pas ?

— Elle est trop faible, il faut encore attendre Madame.

Une infirmière rondouillarde en blouse blanche change apparement ma perfusion. Son visage est encore trouble mais j'assimile doucement l'endroit où je me trouve. Depuis combien de temps je suis dans ce lit mais surtout pourquoi des douleurs atroces surviennent partout dans mon corps ?

— Tu as été très courageuse, ma grande. Chuchote cette femme en s'attaquant à mes soins. Tu as de la chance de connaître quelqu'un qui veut autant se battre pour toi.

Je crois que je viens de me prendre un bon coup contre la tête parce que je ne comprends pas un traitre mot de ce qu'elle me dit. Qui veut autant se battre pour moi ? J'ai envie de hurler mais comme précédemment, je ne trouve pas la force de le faire.

— Ne dite pas ce genre de chose, il veut simplement faire croire à tout le monde qu'il est un héros.

— C'est ce qu'il est Madame.

Je ne connais pas l'identité de cette personne mais apparemment ce qu'il a fait est un acte de bravoure. Je le considère exactement comme ce que viens de dire l'infirmière. Un héros.

— Je dois te faire une petite batterie d'examen, tu veux bien ?

Je secoue la tête en acceptant qu'on me tripote simplement parce que j'ai besoin de comprendre ce qu'il m'arrive. L'heure suivante est sans doute la pire de toute mon existence. Je passe des radios en tout genre, les lumières m'éblouissent et on me regarde comme si je revenais du cimetière. Je me cache le plus possible sous ma couverture mais ils me regardent tous de cette manière étrange qui me met dans l'embarras.

— Putain qu'est-ce que c'est bon que tu sois là.. Je suis vraiment désolé, tu sais que je ne voulais pas tout ça, tu me crois j'espère ?

Un garçon aux cheveux noirs et aux yeux noisettes vient me prendre soudainement dans ses bras. Je me recule légèrement en cherchant son visage dans ma tête mais c'est tout bonnement impossible.

— Elle a une amnésie neurologique suite a une rupture d'anévrisme. Dit soudainement mon infirmière Benny. Ça s'appelle une hypoxie, le sang irrigue trop faiblement le cerveau à cause du choc, mais elle retrouvera la mémoire avec le temps.. Il faut juste être patient.

— Ça fait déjà trois jours exactement qu'on est en train d'attendre..

Une femme aux cheveux rouge pleure dans les bras d'un homme que je ne connais pas non plus.

— Calmez-vous Lily, c'est déjà un miracle qu'elle soit encore en vie à l'heure d'aujourd'hui.. Soyez patiente.

Lily ravale ses sanglots mais j'ai tellement de peine que je trouve le courage de prendre sa main dans la mienne.

— Je vais bien..

Les douleurs reviennent au triple galop mais le soulagement est grand d'entendre ma propre voix. Nous poursuivons notre chemin est Benny bloque mon fauteuil roulant devant une porte close où elle m'explique qui se trouve dans cette chambre.

— Le sauvage qui se trouve là-dedans vient de perdre un poumon pour toi, ma grande.

Je fais une mine horrifiée qui provoque a ma compagne de galère une crise de rire grave et entêtante.

— Je ne devrais pas le faire mais si tu tiens à lui dire bonjour une minute, je t'en donne moi-même l'autorisation.

— Je ne sais même pas quoi dire.. Soupirai-je en contrôlant difficilement les picotements dans mon ventre.

Je suis gênée et si je ne le reconnais pas comme tout les autres ? Je me demande aussi comment il est physiquement. Apparement nous sommes ensemble d'après ce que me dit Benny mais je n'y crois pas une seconde.

— Je suis désolée mais je ne te comprends plus là.. Je sais que c'est plus facile de parler Français mais ici on le parle comme vache qui pisse.

Elle me sourit en ouvrant la porte de la chambre et c'est là que j'aperçois celui dont toute le monde me parle depuis que j'ai ouvert un œil. La première chose qui me percute est qu'il ne ressemble pas du tout à quelqu'un qui vient de subir une intervention. Sweat-shirt, jogging gris assez moulant, pas la moindre trace d'une blouse ignoble comme la mienne. Puis la seconde sont ses yeux bleus perçants qui m'observent sous des cils infinis. Il est divin, c'est certain maintenant, il ne peut pas être en couple avec une personne comme moi.

— Putain c'est bien toi..

— Doucement Romeo notre Juliette est encore fatiguée..

Il m'enlace avec tant de force que je peine à reprendre une respiration convenable, jusque-là je ne connaissais pas de bras si puissants que les siens. Il m'embrasse comme si c'était la dernière fois que nous aurons l'occasion de le faire. Ses lèvres sont douces, ses baisers brûlants de sentiments.

— Comment tu te sens ? Me demande-t-il en prenant mon visage dans ses mains.

— Bien, je crois..

Merde, ma langue natale revient trop facilement depuis que je me suis réveillée. Je m'excuse mais il me sourit en ravalant un sanglot coincé dans sa gorge. Je crois que c'est la première fois que quelqu'un pleure de cette façon pour moi, il n'y a pas de doute ma plus grande peine est de ne pas me souvenir de tout ce qu'on a pu vivre ensemble.

— Ça fait exactement neuf jours que je t'attends, Juno..

Il parle français d'un accent catastrophique mais j'arrive à comprendre ce qu'il me dit.

— Juno ?

Je plisse le nez comme une enfant en cherchant tout au fond de mon crâne une expression qui me semble familière mais c'est le vide complet.