Icare

1 : L'idée de Carole.

Lucile allume le contact de sa voiture en soupirant. Quelle journée éreintante ! On a beau n'être qu'en novembre, les collégiens sont de vraies plaies ! Loin est le mois de septembre où ils demeurent sages comme des images. Les courtes vacances de Toussaint leur ont permis de se reposer, et désormais, ils sont plus énervés que jamais.

« Cinq semaines avant celles de Noël », pense la jeune professeure. D'ici là, peut-être que le petit Thomas, de quatrième D, attrapera une grippe qui lui empêchera de perturber le cours pendant quelques jours, et la bavarde Marie aura peut-être un mal de gorge lui empêchant de piailler sans discontinuer avec n'importe quel voisin que Lucile met à côté d'elle.

Elle ne s'imaginait pas que sa première année de titularisation serait aussi compliquée, et ce dès le début ! « Je vais m'y faire », songe-t-elle pour tenter de se persuader.

Avant de partir, elle regarde rapidement son portable, et aperçoit qu'elle a deux messages :

Maman : Tu viens manger à la maison samedi midi ?

Caro : J'ai contacté le responsable du centre pénitencier de la ville d'à côté. Ils ont l'air enjoués par mon idée ! Ils veulent que je vienne, mais toute seule ce sera peut-être compliqué, j'ai pas mal de travail... Je peux compter sur ton aide ?

Lucile émet un léger sourire. Caro, sa meilleure amie, ne peut s'empêcher d'avoir des millions de projets en tête. Récemment, elle a repris une vieille librairie qui était à l'abandon depuis peut-être une décennie dans la ville. Au-delà du travail incroyable effectué pour tout nettoyer et vider, désormais l'affaire marche très bien, même si la jeune femme est surchargée de travail. Et avec ça, elle trouve le moyen de vouloir aller bénévolement faire des ateliers littéraires dans une prison !

Lucile admire sincèrement sa bienveillance. Et comme toute bonne amie, elle sait se montrer présente dès qu'il le faut. C'est ainsi qu'elle répond à l'affirmative aux deux messages.

Elle s'éloigne enfin du parking des professeurs, saluant au passage Adrien Robert, un nouveau jeune professeur titulaire comme elle, sauf qu'il enseigne les sciences, qui ouvre juste sa portière de voiture. L'homme lui adresse à son tour un rapide signe de main avec un sourire chaleureux.

Lucile adore Adrien, parce qu'ils font tous les deux partis des jeunes et nouveaux professeurs, et qu'en conséquence, ils s'entraident souvent en partageant leurs points de vue sur les gosses, même s'ils n'enseignent pas les mêmes matières. Et puis, Adrien Robert est un bel homme intelligent. Ça ne fait pas tout, mais c'est un bon point.

Mais elle ignorait encore la rencontre qui l'attendait au centre pénitencier.