25 : Promesses à un fou.

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JP a dû enfiler les menottes à Icare pour le faire quitter sa chambre d'hôpital. Il sait que ce ne serait pas nécessaire, Icare ne va pas le frapper ou prendre la poudre d'escampette, mais le règlement lui impose cela, et le personnel soignant va toujours regarder d'un mauvais œil un détenu qui a besoin d'aller exceptionnellement à l'hôpital.

Alors quand Icare déambule dans les couloirs accompagné du surveillant en uniforme et surtout avec les deux mains attachées devant lui, il ne peut que récolter des regards effrayés ou de travers. Il se sent terriblement mal à l'aise. Il pourrait y avoir marqué « meurtrier » sur son front, ce serait la même chose.

Alors que JP est en train de signer plusieurs décharges et papiers à l'accueil, Icare reste adossé contre le comptoir, l'air nonchalant.

— Excusez-moi Monsieur, vous avez besoin d'aide ? lui demande une voix douce.

Icare détourne son attention vers la jeune infirmière qui vient d'arriver derrière le comptoir. Il remarque instantanément son sourire et la mèche de cheveux qu'elle glisse lentement derrière son oreille. Icare n'est pas dupe.

— Non c'est bon, répond-il en indiquant d'un mouvement de tête le surveillant. J'attends qu'il ait fini de remplir les papiers.

Le sourire de la jeune femme s'efface immédiatement quand elle remarque l'inscription « administration pénitentiaire » sur l'uniforme marine de JP. Toute sa tentative de charme pour le bel homme face à elle s'arrête. Elle en fait tomber son stylo qu'elle tenait entre ses mains par terre, et vu la tête qu'elle affiche, Icare se demande si ce n'est pas elle qui aurait besoin d'aide, car elle semble prête à faire une crise cardiaque.

— Euh, ok. Bien. Au revoir, bafouille-t-elle en faisant demi-tour pour retrouver une pile de papiers sur un bureau plus loin.

Icare ne répond rien. Il sait ce que tout cela signifie : personne n'aime les meurtriers. Aucune femme, aucun homme, n'aimerait flirter avec un ancien tueur. On vend des histoires de mauvais garçons, ce ne sont que des fictions. Quand quelqu'un découvre Icare avec des menottes, les jambes des personnes autour de lui tremblent de peur.

— C'est bon, on peut y aller, lance JP au détenu, en poussant doucement ce dernier avec une main dans le dos.

Le surveillant guette les patients de l'hôpital qui le regardent d'une drôle de manière. Il en fait abstraction, mais il sait aussi que l'homme avec lui se sent blessé par tous ces jugements, même s'il tente de ne rien laisser paraître.





JP guide Icare jusqu'au fourgon de l'administration pénitentiaire, et alors que le détenu s'installe à l'arrière, le maton lui glisse un petit sachet entre les mains.

— On arrivera aux alentours de quatorze heures. Je crois que Simon n'aura pas laissé ta portion refroidir, dit seulement JP avant de s'installer au volant.

Icare ouvre le sachet et découvre une barre chocolatée. Il sourit comme un gosse en voyant cela, et n'attend pas bien longtemps avant de mordre là-dedans. Il sait que son estomac est encore fragile, mais il est affamé, et il n'aurait certainement pas pu attendre jusqu'à l'heure du dîner pour manger quelque chose.

— Icare ? l'appelle le chauffeur.

Icare penche sa tête vers la petite ouverture du fourgon qui donne sur les sièges avant. JP lui lance un regard dans le rétroviseur.

— Pourquoi ? Je croyais que tu allais bien, que tu étais heureux d'avoir une possibilité de sortie de prison ?

Le regard du détenu se baisse. Pourquoi a-t-il pété les plombs ? La réponse est simple : il a été victime d'une agression sexuelle. Et ces quelques mots, ils sont durs pour lui. La réponse est peut-être simple dans son esprit, mais difficile à avouer à haute voix, et surtout, aux autres. Et si on se moquait ? Un homme capable de tuer mais incapable de lutter contre un surveillant qui caresse son intimité ? Ils diraient quoi ? Que ce serait ridicule ? Insensé ? Merde, c'est différent. Icare est une âme qui a besoin d'aide, mais personne ne veut aider ceux qui ont péché. La miséricorde pour un criminel est peut-être un mythe aussi.

IcareOù les histoires vivent. Découvrez maintenant