18 : L'amour de la liberté.

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Pour une fois, Icare est en avance à la bibliothèque, il n'arrivera pas avec ce petit air perdu au milieu de la séance comme d'habitude. Il n'est pas déboussolé dans la petite pièce qu'il connaît par cœur, non, il réalise qu'à chaque fois, son air perdu n'était que l'explication de son regard qui cherchait Lucile.

Au début, c'était par curiosité. Ce n'est pas tout les jours qu'un fragment d'innocence met les pieds au milieu d'une terre de criminels. Cela permet de se rappeler ce qu'est l'innocence, à quel point elle est belle. Et puis finalement Icare s'était attaché à cette présence qui vient une fois par semaine, qui lui parle de bouquins, qui lui offre des cadeaux sur les poètes qu'il aime tant.

Mais ce jour-là, Icare comprend une chose et cela l'effraie : il s'attache trop à cette jeune femme qui vient en prison. C'était peut-être inévitable. Elle est tellement différente de tout l'univers sombre qu'il a connu jusque-là. C'est un petit rayon de soleil qui arrive en prison dès lors qu'elle sourit à un détenu.

Mais surtout, elle l'ignore, mais elle est cette liberté qu'Icare chérit tant. Elle sent la liberté, l'air frais de l'extérieur, les yeux marqués par l'émerveillement qu'elle doit voir chaque jour loin du bâtiment de la prison. On voit dans ses gestes, ses mimiques, la légèreté qui la définit. Elle n'a pas connu la rudesse d'une vie en prison, et Icare ne le lui reprochera pas. Plutôt il l'envie. Il imagine sa vie, sans autant de soucis que la sienne. Icare s'attache à cette liberté, et cette liberté, c'est Lucile.

Et pourtant, il se répète toujours la même phrase dans sa tête. « Personne n'aime un meurtrier ». Que pourrait-il imaginer ? Personne ne l'aime, et si c'était le cas, il apporterait son lot de problèmes comme il l'a fait à son père. Parce que peut-être que la justice l'a puni, lui. Seule elle le pouvait de toute façon. Mais son père, il est innocent. Il n'a pas à être puni. Alors pourquoi a-t-il subi des menaces de mort après l'arrestation de son fils ? Pourquoi a-t-il dû déménager parce que les autres voisins ne cessaient de raconter des mensonges sur la façon dont il avait élevé son fils ? Pourquoi craignait-il de raconter la vérité à quiconque qui lui demandait ce que devenait Icare depuis le temps ? Pourquoi lui reprochait-on d'aimer un meurtrier ? Son père avait une peine finalement, les conséquences du crime d'Icare avaient ricoché sur lui.

Alors Icare a cette impression que finalement, il n'apporte que du malheur aux autres, même s'ils ne lui avoueront pas. Alors il ne voudrait pas faire de même avec la liberté qu'il chérie tant. Il n'aimerait pas lui faire du mal. Lucile mérite beaucoup mieux qu'un ancien criminel. Et c'est dur pour Icare de se convaincre lui-même de cette dernière phrase, encore plus quand il remarque les portes s'ouvrir sur Carole et Lucile.





Lucile est surprise en voyant Icare. Non pas parce qu'elle pensait qu'il ne serait pas là. Elle sentait au fond d'elle qu'il viendrait. Mais peut-être pas autant en avance. Alors elle ne peut s'empêcher de sourire. « Tu tombes amoureuse d'un prisonnier Lucile ». Finalement, quand cette phrase résonne dans sa tête, elle a moins de remords que des semaines auparavant. Elle a l'impression qu'elle ne peut rien y faire, que c'est comme ça. Et avant d'être un prisonnier, Icare est lui-même. C'est un poète. Un homme qui cache sa sensibilité. Quelqu'un de touchant. Un démon n'est qu'un ange avec des ailes noires de tout façon.

— Je suis impressionnée par tout ce monde ! s'exclame Caro. C'est génial ! En plus j'ai amené pleins de bouquins !

Carole se décharge d'un nouveau carton de livres et elle tend tout sourire deux gros recueils de recettes de cuisine vers Abel.

— Avec ça, tu vas nous faire le repas de Noël de la prison, le taquine Icare alors que les autres détenus semblent pourtant réjouis à cette idée.

IcareOù les histoires vivent. Découvrez maintenant