52 : Réadaptation et guérison.

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Deux jours. Deux jours qu'il s'est réveillé dans ce putain d'hôpital. Deux jours qu'il vit à nouveau. Icare a toujours ce sentiment écœuré face à la vie, mais comme en même temps, elle seule regorge de beaux moments parmi ceux plus sombres, il ne la déteste pas totalement. Il aime bien certains détails, ou plutôt certaines personnes, qu'elle lui a apporté.

Sa chambre est vide, il se sent seul. Son père vient passer les journées avec lui, mais le reste du temps, il dort chez Lucile. C'est la jeune femme qui a proposé de l'héberger, cela lui évitait de prendre un hôtel dans la région. Elle sait sans doute, après tout ce que lui a dit Icare, que le pauvre homme ne roule pas sur l'or.

Icare reste toutefois gêné. Son père est un train d'utiliser tous ses congés payés pour veiller sur son fils qui n'a pas trouvé mieux que de mettre fin à ses jours. Quelle drôle de façon de profiter de ses rares semaines de repos.


La porte de l'hôpital s'ouvre. La curiosité d'Icare l'emporte toujours, car il s'agit souvent de visites de son père. Ils se parlent toute la journée, les mains serrées dans celles de l'autre. Comme si en quelques jours d'hôpital, ils essayaient de rattraper dix ans de prison.

Du personnel médical entre dans sa chambre. L'homme hospitalisé fronce les sourcils. On lui a apporté son petit-déjeuner un peu plus tôt, il l'a dévoré (ce qui réconforte le personnel soignant. D'ailleurs, il ne comprend pas pourquoi les gens disent que la nourriture de l'hôpital n'est pas bonne. Ils n'ont pas goûté à celle de la prison). Il ne voit donc pas pourquoi il a le droit à une nouvelle visite des infirmières.

Deux aides-soignantes rentrent. Icare dévisage les deux femmes du coin de l'œil, comme un animal qui se méfie d'un potentiel prédateur.

—    Bonjour monsieur Fargès, vous allez bien aujourd'hui ? demande l'une d'elle d'un ton bienveillant.

—    Oui.

—    Ça se voit que vous avez repris quelques forces. C'est une bonne chose. Continuez à vous reposer et bien manger.

—    Aujourd'hui vous pouvez aller prendre une douche. On va vous installer dans votre fauteuil, ce sera plus simple, complète sa collègue.

Icare rouspète un peu, se met en position assise sur son lit, laisse le personnel l'empoigner sous les épaules pour qu'il s'installe dans la chaise roulante. En vérité, il pense qu'il pourrait marcher jusqu'à la petite salle de bain de sa chambre. Ce ne seraient que quelques pas. Il a d'imposants bandages aux bras, pas aux jambes. Mais le personnel médical a décrété qu'il était encore trop faible, parce qu'il avait perdu trop de sang il y a quelques jours. Icare doit donc se plier à cette décision.





Les deux femmes l'amènent dans la salle d'eau. Le reflet d'Icare vient le heurter violemment dans le miroir. Il est vivant mais à l'impression de voir un cadavre face à lui. Ou peut-être une momie, avec ses bras bandés. Il est blanc comme un linge. Ses cheveux sales viennent se coller contre son front. Sa blouse blanche d'hôpital qu'il porte depuis deux jours, qui lui gratte la peau sans arrêt, ressemble à un putain de drap mortuaire. Si lui est perdu à choisir entre la vie et la mort, tout autour de lui donne l'impression qu'il va crever.

Une des aides-soignantes lui enveloppe ses pansements sous un plastique, pour les protéger de l'eau.

—    Bon, monsieur Fargès, on va vous déshabiller et vous installer sur le siège de la douche. Puis on procèdera à votre toilette.

Icare croit mal entendre. Pourtant, quand il sent les doigts d'une femme toucher son cou pour détacher le nœud de sa blouse, il se raidit.

Il sent des lames invisibles transpercer à nouveau ses bras, et du sang en couler. Ses bandages sont toujours aussi blancs. Son pouls s'accélère, ses oreilles bourdonnent. L'odeur aseptisée et propre de l'hôpital est remplacée par l'humidité, la moisissure qui encombre les bronches, faisant toussoter Icare. Il entend les habituels cris qui résonnent au travers des couloirs, puis un verrou de menottes qui s'enferme autour de ses poignets. Des habits qui tombent, comme ce jour-là. Le toucher glaçant qui effleure sa nuque.

IcareOù les histoires vivent. Découvrez maintenant