31 : L'agonie d'un meurtrier.

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JP regarde derrière lui si Alex le suit toujours, ainsi qu'un autre nouveau détenu arrivé dans la matinée. Les deux hommes le suivent sans rechigner, le premier complètement ailleurs après deux jours passés au mitard pour détention de drogue, et le deuxième totalement perdu dans la découverte de son nouveau centre de détention.

Un autre gardien amenant un matelas de sol les suit en surveillant qu'aucun ne tente de prendre la poudre d'escampette. De toute façon, ils n'iraient pas bien loin, ils sont dans une prison.


JP déverrouille la cellule d'Icare, et découvre le jeune homme assis sur son lit, le regard vitreux qui fixe la fenêtre. Il a l'air sans vie. Cela fait trois jours exactement que JP ne l'a pas croisé en prison. Ni pour aller bosser le matin à l'atelier, ni l'après-midi à la salle de sport ou en cour de promenade, ni le soir au moment d'aller aux douches. A croire qu'il est resté enfermé tout ce temps dans sa cellule.

JP montre aux deux nouveaux codétenus d'Icare leur cellule, et dépose le matelas qui lui est tendu au sol. La prison manque de place, alors il faut bien essayer de caser tout le monde dans un endroit ou un autre. Un dormira par terre en attendant, il sentira peut-être les courants d'airs. En même temps, il n'y a pas trop le choix. Techniquement, Icare part dans une ou deux semaines, donc le nouveau détenu aura un lit. Enfin, si une nouvelle personne n'est pas incarcérée entre-temps.

—     Voilà, je vous laisse vous débrouiller pour vos affaires, annonce JP. Icare devrait partir dans quelques temps, du coup vous devriez gagner un lit.

Alex et le nouveau hochent seulement la tête. JP ne s'attarde pas longtemps sur eux, parce qu'il remarque sur la petite table de la cellule une boîte repas laissée intacte. C'était les macaronis de ce midi. A côté, traînent les baguettes de pain du matin, encore entières. Et quelques autres boîtes, même pas entamées. Cela fait plusieurs repas qu'Icare n'a pas mangé.

—     Icare, je peux te parler ? demande JP.

Il n'a aucune réaction. Même, on dirait qu'il ne l'a pas entendu. Alex fronce les sourcils en se tournant vers son ami, immobile comme une statue.

JP avance et vient tapoter le matelas d'Icare, ce qui provoque un sursaut effroyable chez ce dernier, qui daigne enfin tourner sa tête vers la nouvelle agitation qui s'empare de sa cellule, alors que plusieurs minutes auparavant, il en était complètement indifférent. JP s'en veut presque de l'avoir dérangé dans ses pensées. Les cheveux en bataille d'Icare tombent sur son front, son teint est d'une pâleur effroyable, marquée par la fatigue, comme l'attestent des cernes immenses sous ses yeux gris. Son regard a perdu tout éclat. Il ne reflète plus cette lueur de danger. JP lui trouve vraiment une petite mine, et même ses joues semblent plus creuses.

—     Tu m'as entendu Icare ? demande JP. J'ai besoin de te parler.

Il n'a aucune réponse, juste deux yeux posés sur lui, sans le regarder. JP a l'impression d'être un fantôme, ou sinon qu'un fantôme se tient face à lui.

—     Icare, sors dans le couloir. Je dois te parler en privé.

Le détenu secoue simplement la tête de droite à gauche. Le surveillant qui accompagnait JP observe la scène, circonspect. Il est là depuis plus de deux ans et connaît quelques détenus, et comme Icare est un peu comme un élément indissociable de cette prison, il a appris du caractère du prisonnier. Il voit clairement qu'il n'est pas dans son assiette.

Même le nouveau détenu regarde Icare d'un drôle d'air, comme s'il se demandait avec qui l'administration pénitentiaire a trouvé bon de le placer. Le gars qu'il a en face de lui a tous les traits d'un homme possédé ou un fou prêt à être interné.

IcareOù les histoires vivent. Découvrez maintenant