8 : « Mon fils que j'aime ».

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Icare entend un doux ton l'appeler par son prénom. Une intonation presque paternelle. Il ouvre délicatement les paupières, mais est déçu de voir face à lui le mur au ciment apparent de sa cellule. 

Il se retourne vers la droite, où se trouve à sa hauteur le visage de Simon. Ce dernier se tient derrière les petits barreaux noirs et rouillés du lit superposé, et observe le jeune malade. Il tend ensuite un verre d'eau et des médicaments pour la fièvre. Icare rouspète, mais il sent d'un coup la large main du roux se poser sur son front. Il s'arrête instantanément de faire quoi que ce soit, alors que son codétenu fronce les sourcils.

— Tu as de la fièvre. Raison de plus pour que tu prennes tes médicaments. Je ne veux pas d'un autre malaise.

— C'est bon j'allais les prendre une fois levé, râle le jeune garçon.

— Icare, je veux te voir les prendre. Maintenant. Sinon, je m'en fous. Je vais à l'infirmerie, je demanderai des suppositoires, et je te les mettrai de force. Ça ne te plaira pas, je peux te le garantir.

La première réaction du malade est d'ouvrir en grand ses pupilles sous l'étonnement, avant d'échapper un rire rauque entrecoupé par la toux.

— Toi, tu sais trouver les mots justes pour me forcer à prendre les médocs, ricane-t-il.

Il tend la main, attrape les pilules et le verre d'eau, afin d'avaler le tout en moins de trois secondes.

— Je vais bosser Icare. Je t'ai laissé ta part, tu as intérêt à avoir tout mangé quand je reviens à midi, ordonne Simon.

— Mec, maintenant qu'on a du Nutella, tu crois que je vais sauter un petit-déjeuner ?

— Et ne vas pas à l'atelier. Je préviens Marco : s'il te croise hors de la cellule, il te casse la gueule.

— Ok, je te souhaite une agréable journée à toi aussi, souffle Icare.

Simon secoue la tête, quelque peu exaspéré par le fort caractère d'Icare. Mais bon, il se dit que c'est ainsi parce qu'il est jeune et restera toujours aussi impertinent, et que derrière les piques qu'il lance quotidiennement, se cache autre chose. La frustration. Celle d'être enfermé derrière les barreaux, et de voir ses rêves détruits quelle qu'en soit la manière. Simon le sait, Icare souffre. Et fier comme il est, il sait aussi que le jeune détenu ne l'avouera jamais.


Icare a fini par se lever une demie heure plus tard. L'esprit vaseux et ensommeillé, il peine à préparer son petit-déjeuner. Mais il déguste ses tartines avec ce putain de Nutella, parce qu'il l'attendait cette pâte à tartiner. Entre deux bouchées, il se rappelle son enfance, quand son père lui préparait chaque week-end un goûter avec de la brioche et du Nutella. Icare était heureux. Gamin, il ignorait encore tout des problèmes de son père. Il ignorait la vie. Il écoutait l'unique membre de sa famille.

Ah, il n'aurait jamais dû grandir et comprendre l'injustice de la vie. Il voudrait rester à cette époque où il dévorait avec gourmandise sa brioche et où le Nutella se fixait tout autour de ses lèvres. Au lieu de ça, il n'avait eu d'autre choix de grandir, et vouer une vengeance démesurée contre ceux qui en voulaient à son père.

Toc toc toc. 

Icare se souvient de cet homme qui avait ouvert la porte de la maison voisine. Il le haïssait comme ce n'était pas permis. Son visage avait toujours reflété un air démoniaque pour le jeune homme. Il le détestait depuis qu'il avait compris les problèmes de la vie. Il rêvait que cet homme disparaisse. Il l'espérait tellement fort qu'il avait enfoncé ce couteau de cuisine dans son torse. Plusieurs fois.

IcareOù les histoires vivent. Découvrez maintenant