55 : Souvenirs de prison.

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Icare se réveille dans un lit, seul. Ses draps sentent un doux parfum floral. Il attend quelques secondes avant de se lever. Il observe autour de lui un vieux secrétaire en bois, aux rebords abîmés. Un pot avec de trois crayons ainsi qu'un petit cactus sont les uniques objets de décoration. Un tapis gris et délavé accueille ses pieds. La chambre sent légèrement la poussière. Niels utilise l'autre, donc celle-ci doit forcément rester fermée la plupart du temps. Icare empoigne des vêtements que son meilleur ami lui a laissé de côté dans la petite commode assortie au bureau avant de se diriger vers leur salle de bain commune.

Il n'est pas surpris au départ de trouver l'habitation déserte. Il n'est peut-être que huit heures, mais Niels est probablement en train de travailler depuis un bon moment. Icare remarque à cet instant à quel point tout est calme. Il n'y a pas un bruit dans la maison. Dehors, les oiseaux volent entre les nombreux bouleaux et chênes présents dans la vaste propriété des époux Derosan. Icare sourit quand il voit un jeune poulain batifoler joyeusement dans un pré longeant la dépendance. Sa mère, une douce jument grise, veille sur lui sans oublier de se nourrir des brins d'herbe tendre du printemps.

—   Icare, tu es réveillé ?  Comment vas-tu ?

L'homme se retourne face à son ami. Il vient lui enlever de la paille dans les cheveux, sous le rire de ce dernier.

—   Je vais bien, merci. Je suis moins matinal que toi.

—   L'habitude. Je suis sûr que Lucile avait raison, ce petit séjour à la campagne te fera du bien.

Cela ne faisait que depuis la veille qu'Icare était là, et pourtant, malgré lui, il y croyait autant que son meilleur ami.

—   Mes fringues te vont toujours aussi bien, remarque Niels.

—   C'est toujours autant moulant au niveau de l'entrejambe, râle son ami. Au moins, David pouvait mâter ton petit cul rebondi grâce à ça.

—   Tu m'as démasqué, c'était pour mettre mes atouts en valeur. Allez, viens déjeuner un bout.

Icare s'installe sur la chaise rustique assortie à la table de la cuisine. Il observe les poutres apparentes au plafond, les plantes posées par endroit, les babioles que Niels laisse toujours traîner. La dernière fois qu'il était dans la même pièce avec Niels, il avait probablement seize ans. Son ami était à la rue donc il l'avait hébergé. Il partageait sa petite chambre désordonnée, Icare dormait sur un petit matelas au sol, laissant son lit à Niels. Ils rigolaient pendant des heures le soir, et le matin, Icare était fatigué en allant au lycée. Mais il était heureux. Alors près de onze ans plus tard, ça lui fait bizarre de se dire que sa nouvelle colocation avec son meilleur ami c'est dans une maison campagnarde avec du cachet.

Icare dévore quelques tartines avec la délicieuse confiture de fraises faite par Murielle Derosan, sous le regard moqueur de son ami, qui a préparé deux cafés.

—   Il faut que je vienne t'aider du coup ? devine Icare.

—   C'est comme tu veux. Je pense que ce serait cool comme monsieur et madame Derosan t'hébergent.

—   Cela ne me dérange pas du tout. J'ai besoin de m'occuper et me sentir utile.

—   Je te montrerai comment s'occuper des chevaux, tu verras ça s'apprend vite. Cet après-midi, on sortira se promener, ce sera mérité.





La vaisselle faîte, Icare suit Niels à l'extérieur. Il salue les membres Derosan, essuyant un regard chaleureux de Murielle. Il se doute que Lucile a dû leur dire un truc en lien avec sa dépression, qui explique sa présence ici, et surtout la gentillesse innée de Murielle, même si celle-ci doit l'être naturellement. Même Vincent semble l'accepter avec plus d'entrain, ou sinon c'est le fait qu'il soit heureux d'avoir de la main d'œuvre gratuite.

IcareOù les histoires vivent. Découvrez maintenant