Icare est assis sur le lit de Simon, et regarde ce dernier enlever les dernières photos de sa famille qu'il avait accroché aux murs. Ses vêtements sont soigneusement pliés dans son sac que l'administration pénitentiaire lui a rendu. Ses gestes pour tout ranger sont longs, comme si lui-même au fond, malgré l'excitation de sortir pour avoir fini sa peine, voulait rester encore quelques minutes dans la prison.
Il zippe la fermeture éclair de son sac, unique son qui a dû résonner pendant le silence quasi-religieux qui a précédé tout le rangement de sa cellule.
Il lève son regard vers son codétenu, chose qu'il n'avait pas osé faire juste avant. Icare va lui manquer, terriblement. Son monde poétique, son sarcasme parfois un peu trop présent, sa sensibilité qu'il cache au monde, l'illusion de force que Simon admirait. Mais aussi ses secrets mystérieux, parfois effrayants, qui sont en train de le détruire, et face auxquels le colosse roux se sent étrangement impuissant.
Il se perd dans les yeux ensorcelants d'Icare, légèrement brillants. Il ne sait pas trop quoi dire, comment dire au revoir. Heureusement, c'est son jeune codétenu qui brise le silence :
— Allez, ne fais pas cette tête. Tu vas avoir une chambre plus grande sans la compagnie d'un petit con qui te réveille quand tu ronfles, ce ne sera pas la guerre quand il faudra décider qui amène le linge sale, tu ne râleras plus parce que j'ai laissé traîner une vieille chaussette, et tes fenêtres donneront sûrement une meilleure vue qu'une cour de promenade entourée de barbelés, dit doucement Icare sans arriver à masquer sa voix légèrement tremblante.
— Ouais, il y a ça. Plus de nourriture dégueulasse, pas de punaises de lit ou de boucan d'abrutis qui gueulent à longueur de journée, murmure Simon. Et plus non plus mon codétenu insupportable que j'aime quand même.
Icare sourit. Non, il n'oubliera pas quand après le suicide de Julian, un grand roux s'était retrouvé catapulté dans sa cellule. Il avait été impressionné le jour où cet homme lui avait souri directement, et qu'Icare avait su que ce gars était trop bon, trop gentil, pour la prison. Il avait su qu'ils s'entendraient bien. Il se souvient de leurs tacles quotidiens, des bourrades amicales de son codétenu énervé par son sarcasme, de leurs fous rires quand ils restaient des après-midis entiers coincés dans leur cellule parce qu'il faisait moche dehors, et surtout, de cette présence qui arrivait à lui donner la chose la plus magique ici : de la joie. Grâce à ça, Icare en avait oublié de longues journées, des phases de tristesses devenaient plus supportables quand Simon était là. Un regard vers le rouquin, et tout de suite, il s'apaisait. Simon avait été d'un soutien sans faille pour le jeune homme, et sans doute qu'il ne l'ignorait pas.
Icare est dévasté de devoir quitter ainsi son ami, mais il sait que la liberté ne peut se refuser.
— Putain, tu vas me manquer, dit seulement Icare en éclatant en sanglots.
C'est rare qu'Icare pleure devant Simon. Icare n'aime pas pleurer. Mais ce jour-là, il sait que ça ne sert à rien de se cacher : dire au revoir à son ami est trop douloureux. Il se relève doucement avant de prendre d'un coup la silhouette bien plus imposante que lui dans ses bras. Simon pince les lèvres alors qu'une larme descend pour se perdre dans sa barbe rousse.
— Tu vas me manquer aussi Icare, souffle-t-il faiblement.
Il attend plusieurs minutes, Icare toujours contre lui, sans un bruit. Il aimerait ramener son codétenu avec lui, il a l'impression que sa vie de nouveau avec sa famille sera trop calme par rapport à tout ce qu'il a connu avec Icare. Il faudra s'y faire comme il a appris à supporter cet insolent jeune homme.
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Icare
Romance*Histoire contenant l'équivalent des Tomes 1 et 2* Lucile, jeune professeure d'histoire pétillante, ne pensait pas qu'elle remettrait toute sa vie en question suite à une simple rencontre. En effet, quand son amie, une infatigable libraire, lui dema...