Icare

68 : Lui et moi, ou personne.

Quand Lucile gare sa voiture sur le parking du centre équestre, il n'est même pas encore huit heures. Le lieu est calme, c'est habituel à l'aube. Mais là, elle a l'impression étrange que c'est trop calme. 

Elle sort de sa voiture, alors que la chienne de ses parents, Chaussette, vient lui faire la fête, sans y mettre trop d'entrain. C'est ce qui étonne Lucile, parce que d'habitude, l'animal colle Icare toute la journée, vadrouillant avec ses grandes pattes derrière l'homme qu'elle suit comme son ombre. C'est donc bizarre qu'elle ne soit pas avec lui. Encore plus étrange, Icare ne vient même pas la saluer dès lors qu'elle a arrêté sa voiture, comme les autres fois. Niels n'arrive même pas avec son sourire joyeux et matinal, le genre de sourire qui apaise tous vos mœurs. Non, il n'y a personne, juste Chaussette pour la saluer. Lucile pense que tout le monde est déjà à l'intérieur et a pu déjeuner un peu plus tôt, même si souvent le samedi, sa famille l'attend avant de commencer à manger.

La jeune femme avance jusqu'à l'imposante bâtisse et ouvre la porte sans toquer.

— Je suis là, s'exclame-t-elle dans le couloir, prête à avertir ses proches de sa présence.

Mais la réponse en retour se fait attendre. Lucile se dirige dans la cuisine où sa mère finit d'installer les bols et la cafetière, tandis que son père est déjà assis à table à parler avec son grand-père. Ce dernier se tourne vers sa petite-fille et lui adresse un mince sourire.

— Tu as fait une bonne route ? demande sa mère.

— Impeccable, déclare doucement Lucile.

La jeune femme entend la porte claquer et sourit d'avance. Ses amis étaient juste en retard pour nourrir les chevaux. Niels se pointe à côté de sa meilleure amie, lui pose un simple baiser sur la joue, avant de s'avancer sans un mot près de l'évier pour nettoyer ses mains. Lucile commence à se poser des milliers de questions, parce que l'atmosphère est trop étrange depuis les quelques minutes où elle est arrivée. Ce sentiment s'accroit quand une deuxième personne entre dans la maison.

— Solène ?! s'étonne Lucile. Depuis quand tu renonces à une grasse matinée pour nourrir les chevaux ?

Sa sœur ne lui répond que par un haussement d'épaules et Lucile comprend tout, d'autant plus quand la porte fermée ne laisse pas apparaître une dernière silhouette habituelle du centre équestre.

— Où est Icare ? demande la jeune femme.

Aucune réponse. Son père arrête la conversation qu'il tenait et jette un coup d'œil à sa femme. Solène s'assoit à sa place habituelle et fuit tout le monde du regard. Niels demeure près de l'évier, et après avoir aperçu une moue peinée d'Hervé, soupire en fixant le reste de la famille :

— Bah, dites-lui, parce que hier soir vous n'aviez pas votre langue dans votre poche.

Lucile est choquée par l'affront insolent du palefrenier face à ses patrons.

— Où est Icare ? répète-t-elle de sa voix maintenant énervée.

— On a appris la vérité Lucile.

— La vérité ?

— Icare est un meurtrier et tu l'as rencontré en prison, explique sa mère.

Lucile baisse un instant le regard. De toute façon, tôt ou tard, ses parents l'auraient su. Alors c'est aujourd'hui qu'elle devrait les affronter. Elle aurait préféré qu'Icare soit avec elle. D'ailleurs, elle n'a toujours pas d'explication concernant l'absence de ce dernier.

— Ok, mais ça ne me dit toujours pas où est Icare, reprend la jeune femme.

— Je l'ai viré, explique son père.