72 : Le silence et ses victimes.

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Icare est resté un long moment assis, seul. La solitude. Cette solitude qu'il a pu détester quand il était dans une cellule, mais que parfois, il ne peut s'empêcher d'aimer. La solitude, qui étouffe ses sanglots, les enterre loin des yeux des autres, pour ne montrer aucune souffrance. Chaussette demeure à côté de lui, sur le banc, et se blottit contre son torse. Une main d'Icare est perdue dans le pelage rêche de l'animal qu'il caresse machinalement, complètement absent.

— Icare, tu es là ? Icare ?

L'homme ne prend même pas la peine de répondre. Tout de suite, il pense vouloir rester seul, et ne pas être forcé au dialogue. Pourtant, quand il voit la silhouette de Vincent qui arrive face à lui, il sait que ce sera difficile pour lui de se défiler, maintenant que le patron l'a vu le visage tout humidifié de larmes.

— Icare, que se passe-t-il ? Quelque chose va mal ? s'écrie Vincent en accourant vers lui, complètement paniqué.

Il secoue l'épaule de l'homme, qui reste sans réponse.

— Icare, j'ai vu ton avocat partir. Il se passe quoi ? Tu veux en parler ? insiste Vincent.

A sa grande surprise, le jeune homme lui répond, d'une voix à peine audible :

— Je ne sais pas...

— Viens avec moi.

Icare attend de courtes secondes avant de se lever en suivant son patron, comme un automate. Il ne sait pas où il va, à vrai dire, il ne fait pas attention où Vincent l'amène. Il suit juste l'ombre de ce dernier, mais il ne lève jamais les yeux pour voir en détail ce qui l'entoure. Cela n'a pas d'importance pour lui.



Au bout d'un moment, l'ombre de Vincent s'arrête, alors qu'il s'assoit sur un vieux tronc de châtaigner tombé dans la forêt, assez long pour y assoir une dizaine de personnes.

— Pourquoi vous m'amenez ici ? demande faiblement Icare.

— La forêt est calme. C'est le meilleur endroit pour penser, pour pleurer, ou pour oublier. Cela dépend ce que l'on veut, explique Vincent.

Icare acquiesce simplement. C'est vrai que c'est agréablement silencieux ici.

— Tu veux que je parte ? demande Vincent.

— Non.

Icare ose relever un peu les yeux, vers les arbres devant lui. Des troncs horizontaux, comme des barreaux de prison. Comme son enfer. Comme celui de Jauris, auquel il a pu échapper.

— Il s'est suicidé, dit simplement Icare.

— Suicidé ? répète son interlocuteur.

— L'homme qui m'a agressé quand j'étais en prison. Il a pu se suicider, explique Icare.

— Oh... Je suis désolé Icare...

— Lucile vous a tout raconté, non ?

Vincent se sent gêné face au regard qu'Icare a désormais tourné vers lui. Il sait qu'il est au courant de choses qu'il ne devrait peut-être pas savoir.

— Elle m'avait rapidement expliqué, ose-t-il dire.

Icare hoche simplement la tête. Il pourrait en vouloir à Lucile, mais finalement, est-ce que Monsieur ou Madame Derosan arriveraient-ils à le comprendre sans savoir l'intégralité de son histoire ? Au moins, cela lui évite d'avoir à la raconter.

— Excuse-moi de cette question Icare, et tu as le droit de mal me répondre, ou de ne pas me répondre. Mais tu n'es pas rassuré qu'il soit mort ? Qu'il ne puisse plus recommencer ? demande Vincent.

IcareOù les histoires vivent. Découvrez maintenant