5 : Première visite en prison.

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Lucile gare sa voiture sur un petit parking face à la librairie de son amie. La façade tout juste repeinte dans des tons rouges, des lettres en doré inscrivant le nom de la boutique, et voilà que l'endroit reprenait un peu de l'âme qui l'avait quitté des années auparavant.

La jeune femme entre dans l'échoppe, sous le son mélodieux d'un carillon. Un vieux plancher grince sous ses pieds et la poussière entre dans ses narines. L'intérieur composé de plusieurs rayons de livres rangés avec la minutie de Caro, c'est-à-dire un peu en vrac, s'entassent dans une atmosphère ancienne, que Lucile adore.

Elle aperçoit son amie qui discute avec un client à la caisse, alors elle déambule entre les différents étalages de livres, feuilletant quelques bouquins dont la couverture lui plaît, jusqu'à ce qu'une main se pose sur son épaule. La jeune femme échappe un petit cri de surprise tout en manquant de faire tomber l'ouvrage qu'elle tenait entre ses doigts.

— Excuse-moi, je ne voulais pas te faire peur, affirme Adrien, le collègue de la jeune femme.

Lucile rougit, encore surprise, avant de rire, vite imitée par le jeune homme face à elle. Elle le détaille un instant, observant un livre de physique chimie du programme de cinquième dans ses mains.

— J'étais complètement perdue dans ma lecture, explique-t-elle enfin. Pourquoi as-tu ce livre ? Le CDI du collège ne te plaît plus ?

— Oh ça... Un élève à qui j'avais prêté mon bouquin a malencontreusement renversé de la soude dessus. Il y a eu du dégât. Je dois donc en acheter un nouveau.

Lucile esquisse un sourire nerveux, perdant une seconde de trop dans les yeux marrons du jeune professeur face à elle.

— Et toi ? Un élève a renversé quelque chose sur un de tes manuels ? Qu'est-ce qui t'amène ? reprend Adrien.

— Oh pas grand-chose. Disons que Carole, la gérante, est mon amie d'enfance. Et elle a décidé, dans une de ses nombreuses idées folles, d'apporter quelques livres chaque semaine dans la prison du coin. Et comme d'habitude, elle compte sur mon aide.

— Dans une prison ? C'est... Original.

Lucile partage un peu le point de vue de son ami. Carole a des idées tordues des fois. Devinez qui avait créé une association en troisième pour la défense des crapauds traversant les voies d'autoroutes ? Carole. Et il y avait seulement trois membres. Carole, son amie (Lucile a regretté les longues réunions interminables sur l'aménagement de crapauducs) et un garçon, très étrange, qui vouait une passion démesurée pour les batraciens.


Les deux jeunes gens sont justement interrompus par la libraire qui arrive d'un pas dynamique vers eux, un immense sourire démesuré sur les lèvres, que Lucile traduit instantanément. Elle prie intérieurement pour que son amie d'enfance ne lance pas une phrase déplacée. Enfin, c'est un peu trop espérer.

— Bonjour Lucile, et bonjour...

— Adrien. Un collègue de Lucile, répond le jeune homme, qui est d'un naturel avenant.

— Enchanté Adrien. Carole, l'amie d'enfance de Lucile. Et gérante du magasin aussi.

Elle se tourne justement vers son amie avec un petit mouvement répété de sourcils. Les joues de Lucile s'empourprent légèrement, elle est sûre qu'Adrien a compris le sous-entendu. Pourquoi a-t-elle l'amie la moins discrète du monde au juste ?

— Alors Adrien, je suis vraiment heureuse de te connaître, et non pas que je voudrais te mettre à la porte, mais j'ai un rendez-vous extrêmement important à la prison, et je vais devoir fermer boutique. Enfin, ne t'inquiète pas, je n'ai pas commis de crime, prise d'otage ou arnaque auprès de mes clients. Rassure-toi, je suis une personne bien.

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