6 : Une nouvelle chute.

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Icare sent le regard pesant de la jeune femme sur lui. Des yeux trop insistants. Comme s'ils cherchaient à lire la raison de sa détention ici. Il n'aime pas ça. Il a suffisamment compris que de toute façon, il est un danger pour tout le monde. Qu'il est différent de ceux qui vivent à l'extérieur.

Il détourne sa tête, ne supportant plus toute cette attention sur lui. Il fait un pas, mais des vertiges le prennent. Il se sent affreusement mal.

Il a entendu parler de cet atelier, mais il est méfiant de toutes les personnes inconnues qui viennent hors de la prison. C'est plus fort que lui. Ainsi, il avait juste voulu voir les nouveaux livres qui seraient amenés. Mais comme il s'en était douté, il n'y a pas de recueil de poésie. C'est dommage, c'est ce qu'il préfère. C'est même la seule chose qu'il lit ici, mais il n'y en a jamais. Les trois malheureux bouquins qu'il possède précieusement lui ont été envoyés par son père.

Icare aimerait repartir dans sa cellule, mais il se sent vidé de toute énergie. Ça a déjà été un combat contre lui-même pour venir ici. Il tousse une fois de plus. Il prend son médicament pour la toux, mais pas ceux pour la fièvre. Il les a pris seulement le lundi soir, parce qu'il n'était pas bien. Aujourd'hui, mercredi après-midi, il sait que cette fièvre n'a fait qu'empirer depuis les derniers jours. Mais il a préféré filer son remède aux toxicos. Il a eu du sucre en échange grâce à un pote de Marco. Il va pouvoir manger du Nutella dès demain. Il sera heureux et Simon aussi.

Sauf qu'il reconnaît qu'il n'a pas fait non plus les meilleurs choix pour son organisme. Oui, il rêvait d'un petit quelque chose pour bousculer un peu la monotonie de ses jours ici, mais il n'a peut-être pas choisi la solution où il était le plus gagnant. Le travail de ce matin l'a épuisé.

De plus, sa tête le lance depuis la veille, il a l'impression qu'une enclume s'abat contre son crâne sans interruption. Ses paupières sont affreusement lourdes et son corps semble peser le triple de son poids habituel. La fièvre lui ronge l'organisme. C'est pour cela qu'il ne porte qu'un simple t-shirt, dans l'espoir d'avoir froid et la faire chuter un peu. Ou du moins empêcher qu'elle augmente encore, si c'est possible.

Il décide de partir, mais son pied sent le sol se dérober sous lui, et il se rattrape in extremis sur l'étagère, faisant tomber quelques livres. Le prisonnier s'attire quelques regards curieux qui le dévisagent, surpris. JP, un maton qu'Icare apprécie tout particulièrement, lui demande si tout va bien. Mais le jeune homme n'arrive pas à répondre.

Ses paupières papillonnent doucement, et alors que ses membres semblent se transformer en coton, il finit par tomber soudainement au sol, sans ressentir la moindre souffrance, hormis celle habituelle de son crâne qui le lance toujours autant. Sa vision floue distingue légèrement Jauris et un codétenu qui se précipitent contre lui, et lui crient quelque chose. Mais les oreilles du prisonnier bourdonnent, avant qu'un silence étourdissant prenne place, et qu'il ferme soudainement ses yeux comme si on l'avait assommé.

Tout devient sombre pour lui. Chose qu'il déteste.





Il a froid. Horriblement froid. Il a l'impression que son corps est prisonnier dans la glace. C'est la première sensation qui parvient à Icare.

Le jeune homme ouvre doucement les yeux, avant de maugréer, ébloui par une aveuglante lumière blanche. Plusieurs tentatives lui sont nécessaires pour acclimater ses pupilles. Il regarde le plafond, blanc et propre. Puis il tourne légèrement la tête pour apercevoir un mur de la même couleur.

Il tente de se relever, mais les courbatures qu'il traîne depuis plusieurs jours le forcent à rester allongé sur l'inconfortable matelas de mousse qui lui frigorifie le dos. Il remarque alors qu'il est seulement habillé de son sous-vêtement, et que c'est donc normal qu'il ait autant froid. Il ressent même quelque chose d'humide qui lui barre le front, et en y portant sa main, il découvre un linge mouillé. Il se sent toujours autant vaseux, même si ses esprits commencent à s'éclairer.


IcareOù les histoires vivent. Découvrez maintenant