43 : Etats d'âme d'un meurtrier.

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C'est une mince lumière du jour traversant l'entrebâillement des stores qui réveille Lucile et Icare. Ce dernier frotte ses yeux difficilement, souffrant d'un manque de sommeil apparent. Il se met à surveiller le visage à quelques centimètres du sien. Il pourrait se perdre une fois de plus dans les prunelles de Lucile, malgré ses yeux ensommeillés. Des mèches brunes sauvages viennent lui tomber sur la peau, cachant parfois une pommette, une pointe de sourcil, le début d'un sourire timide.

Icare ose à peine respirer, comme si chaque bruit pourrait le trahir. Il aime le silence de cette chambre, il a l'impression que c'est nécessaire. C'est comme quand on observe une œuvre d'art dans un musée. Le silence sert à s'émerveiller devant un tableau. Ici, c'est la même chose. Il est devant sa muse, celle qui éveille tous ses sens. Sa peinture, qui apporte les nouvelles couleurs à sa vie. Sa gravure, celle qui vient orner son cœur. Sa sculpture, dont il tombe amoureux de chaque courbe. Son temple, devant lequel il pourrait s'agenouiller, s'offrir en sacrifice, y rester la fin de sa vie, parce que c'est son havre de paix.

Et sans toucher à ce silence sacré, la jeune femme porte doucement ses doigts contre la joue d'Icare, effleurant les cernes bleutées qui bordent ses yeux. Icare ferme les paupières, apaisé par le toucher, comme un enfant enfin rassuré par la présence de sa protectrice.

Il sent l'index de Lucile remonter contre le coin de ses yeux, effleurer ses fins cils fauve, redescendre le long de son nez, finir sa course sur ses lèvres entrouvertes, qui soufflent faiblement de l'air contre les doigts de la jeune femme.

Icare ouvre à nouveau ses yeux. Il n'entend que les battements de son cœur dans une atmosphère lourde de tension. Le silence alentour amplifie tout. Et Icare admire la femme dont il tombe éperdument amoureux.

— Tu as pu dormir ? demande-t-elle enfin.

— Oui, répond la voix d'Icare encore ensommeillée.

La vérité, c'est que cela fait un long moment qu'il n'a pas aussi bien dormi, imperturbable le reste de la nuit. Il était enfin paisible, dans un cadre serein. 

Il était un mythe, elle sa divinité. Il était Icare et elle était Morphée.

— Tu as l'air encore dans les vapes, murmure Lucile en souriant.

Icare ne démentira pas. Il a beau avoir bien dormi quand il était avec Lucile, ses angoisses nocturnes le coupent toujours en plein sommeil réparateur. Au final, il est peu souvent bien reposé.

— Repose-toi quelques minutes supplémentaires si tu veux, je vais préparer le café et servir du jus de fruit, indique Lucile en s'étirant.

Icare la guette qui se relève, passant une main dans ses cheveux. Une mèche brune vient s'échouer au-dessus de sa poitrine, sur sa peau laiteuse où une légère chair de poule est visible. Icare ne peut s'empêcher de suivre sa silhouette qui se lève, sous le tissu fluide d'une robe de chambre lilas, dont le décolleté est accentué par de la dentelle noire. 

On dirait une sirène, qui attire des désirs d'Icare, un ange qui tente le diable, la paix qui appelle un meurtrier. 

Icare admire son corps qui semble danser avec les ombres de la pièce, qui disparaît dans un rayon de lumière quand elle ouvre la porte de la chambre. Icare se rend compte à quel point tout évolue, à quel point il se met à désirer Lucile, et surtout, qu'il vaut mieux qu'il attende encore quelques minutes dans ce lit.




En effet, quelques instants plus tard, Lucile entre à nouveau dans la chambre. Elle retrouve Icare allongé dans la couette, non bien décidé à se lever. Elle secoue la tête en souriant, avant d'aller jusqu'à la fenêtre pour ouvrir les volets. Icare ne râle pas face aux rayons qui envahissent la pièce, mais se cache les yeux avec son bras, révélant ses tatouages à la lumière du jour.

IcareOù les histoires vivent. Découvrez maintenant