Icare

36 : Jamais seul face au monde.

[Petite mention spéciale au média, je suis tombée dessus et je l'adore]

Icare a mangé sans un bruit face à Lucile, alors les informations du midi se sont chargées de l'animation sonore dans l'appartement de la jeune femme. Il l'a juste complimenté sur sa cuisine, parce que malgré ce qu'elle disait, sa nourriture était bonne. Ce n'est pas un restaurant cinq étoiles, et Icare n'attend pas ça. C'est juste la cuisine de Lucile, qu'elle fait avec une passion certaine, en vue de faire plaisir à son hôte. Icare n'a même pas refusé quand elle lui a demandé s'il souhaitait une autre part de quiche aux légumes. Elle était délicieuse.

La langue d'Icare s'est finalement déliée quand ils sont arrivés au dessert. Tandis que Lucile lui a fait une énumération interminable de tous les parfums de yaourts renfermés dans son frigo, et qu'il a choisi celui à la framboise, il décide finalement s'ajouter :

—     Dis Lucile, tu connais les prix des portables ? Parce que je sais que les policiers ont besoin d'un numéro personnel pour m'appeler, mais je dois avoir à peine quatre cent euros de côté.

Lucile ouvre la bouche, et Icare croit qu'elle est étonnée qu'il ait enfin osé prononcer une phrase. En réalité, la jeune femme a une idée. Elle se lève précipitamment, sous le regard amusé et intrigué de son colocataire, avant de se ruer sur son imposant meuble de salon. Elle fouille dans un bazar conséquent, avant de revenir quelques secondes plus tard avec un smartphone qu'elle tend à Icare.

—     Tu n'as qu'à prendre mon ancien portable, je ne m'en sers plus. Comme ça, on aura juste à te prendre un forfait, propose-t-elle en souriant.

—     Lucile, je ne peux pas accepter. Tu ne vas pas me donner un portable et...

—     Icare, je ne m'en sers plus de celui-là ! Autant qu'il serve à quelque chose plutôt que de rester prendre la poussière dans le meuble non ? Ok, il est vieux de trois ou quatre ans, mais il est bien.

—     J'en doute pas Lucile, mais je me sens gêné, balbutie Icare.

—     Je te jure que cela me dérange pas, dit Lucile en lui glissant l'objet entre les mains. Mon but, ce n'est pas de te mettre mal à l'aise. Mais apparemment les policiers ont vraiment besoin que tu aies un portable personnel, et comme tu n'as pas encore travaillé pour mettre de côté, c'est tout à fait normal que je t'aide.

—     Merci.

Icare récolte un sourire bienveillant de Lucile. Il avait presque oublié depuis le temps à quel point ses sourires sont magiques. A chaque fois, ils lui provoquent ce petit frisson le long des bras.

—     Je vais le faire charger un peu, avant que l'on ne parte, affirme Lucile en partant à nouveau fouiner dans un placard de son appartement.

Son énergie incroyable à tout moment amuse Icare. Il est sûr d'une chose : pendant sa colocation avec Lucile, il ne s'ennuiera pas.

Une demie heure plus tard, après qu'Icare ait aidé pour la vaisselle, il suit Lucile jusqu'à sa petite voiture blanche. Elle a affirmé que ce serait plus simple ainsi plutôt qu'aller dans le centre-ville à pied, surtout s'ils devaient rentrer avant dix-sept heures piles. C'est quand elle a dit ça, naturellement, qu'Icare a senti une vague de culpabilité l'envahir. Lucile a commencé à programmer ses journées autours de ses obligations à lui, et cela le gêne. Il n'y a pas que lui qui est restreint dans sa liberté, il se rend compte qu'il a aussi touché Lucile. Il ne voudrait pas la rendre prisonnière à son tour.

Lucile se gare quelques minutes plus tard, et sort toute joyeuse de son véhicule. A vrai dire, elle est heureuse de faire découvrir la petite ville où elle vit à Icare. Mais le jeune homme, lui, n'est pas imprégné de la même légèreté. Ses jambes flageolent. Il vérifie une énième fois que son bracelet électronique est bien dissimulé sous le tissu de son pantalon. Sa main reste paralysée sur la poignée de la voiture sans pouvoir l'ouvrir.