Icare

14 : Le monde secret d'Icare.

Lucile arrive avec un sourire devant la grille de la prison. Un sourire... Elle ne sait pas vraiment ce qui le provoque. La bonne humeur quotidienne de Caro ? Le fait qu'elle soit sereine désormais quand elle doit entrer à l'intérieur ? La possibilité qu'Icare vienne ? Sans doute un mélange des trois.

-     Je te trouve bien souriante, confirme Carole. Adrien t'a proposé un autre rendez-vous ou quoi ?

Hein ? Lucile roule des yeux. Non ce n'est pas vraiment pour ça. Qu'est-ce que son amie va s'imaginer ça ? Bon elle n'a pas trop tort. Adrien a dit qu'il aimerait qu'ils ressortent ensemble un de ces soirs. Lucile n'avait pas encore accepté, ou du moins pas donné une réponse claire. Elle ne savait pas. Adrien est gentil pourtant. Beau garçon. Cultivé. Gentleman. Il pourrait avoir tout pour lui, c'est pour cela que Lucile l'admirait dès la rentrée.

Mais aujourd'hui, tout est différent. Son cœur ne s'emballe pas autant dès qu'il lui parle, elle ne se sent pas rougir quand il sourit. Elle a l'impression que cela a changé. Comme si maintenant, quelqu'un d'autre avait ce pouvoir sur elle. Et Lucile tente d'ignorer le fait que ce soit probablement un détenu.

-     Alors c'est ça ? Je savais que j'avais raison !

Lucile secoue la tête, et avant que Caro ajoute quoi que ce soit d'autre, Jauris arrive, un grand sourire aux lèvres.

-     Tiens, bonjour mesdames. Venez avec moi, les prisonniers vous attendent déjà. Ils avaient bien dix minutes d'avance dans la bibliothèque.

Une fois les fouilles habituelles effectuées, Lucile et Caro arrivent dans la petite bibliothèque. Quand elles entrent dans cette dernière et que les visages des détenus se tournent vers elles, Lucile remarque deux choses. Déjà, le sourire des hommes. Elle n'en avait encore jamais vu d'aussi authentiques et poignants. Et pourtant, elle est sûre d'une chose : ils ont l'air heureux d'être ici, le temps de l'atelier. Cela touche la jeune femme. Comment des choses aussi simples peuvent-elles rendre un homme aussi heureux ? Par contre, la deuxième qu'elle remarque lui ferait perdre son sourire à elle. Icare n'est pas là.

Lucile fait quand même de son mieux pour parler avec les autres hommes. Ils n'y sont pour rien à l'absence d'Icare, et elle a envie de leur donner le peu de bonheur qu'ils viennent chercher dans la bibliothèque. Et puis pourquoi elle tient autant à ce qu'il soit là aussi ? C'était peut-être un hasard qu'il vienne la dernière fois. Il a peut-être d'autres choses plus importantes à faire. Lucile doit arrêter d'imaginer tout ça. Icare est un détenu de toute façon. Il est emprisonné ici. C'est un criminel. Mais bordel, pourquoi ce criminel hante autant ses pensées ?

-     Lucile !

La jeune femme se retourne vers un coin de la bibliothèque et aperçoit JP. Elle vient à sa rencontre, alors que le chef des gardiens lui adresse un sourire.

-     J'ai quelque chose pour toi. Icare a demandé à son codétenu de me le remettre, pour que je puisse te le rendre. Apparemment, c'est un recueil de poésie qu'il avait pris.

-     Ah oui, merci beaucoup alors.

La jeune femme s'empresse de rapidement prendre le petit bouquin abîmé tendu par JP. Elle hésite un instant avant de demander la question qui lui trotte dans l'esprit, mais elle finit par la poser, la curiosité étant trop forte :

-     D'ailleurs, il n'est pas là Icare aujourd'hui ?

-     Il est au mitard.

Hein ? Le « mitard » ? C'est quoi ça encore ? Lucile fronce les sourcils, et JP fait une tête effarée. Sans doute parce qu'il se rend compte qu'il a un peu trop dit. Pourtant, cela ne l'empêche pas de continuer :