Icare n'avait pas pensé que sa nouvelle vie l'angoisserait autant. Il avait imaginé que la liberté serait synonyme de légèreté et d'insouciance, il se rend compte que la prison l'a beaucoup plus marqué que ce qu'il pensait.
Il se sent incapable de faire face à chaque instant de son existence, que tout tourne mal, et en même temps, il n'a pas d'autre solution. On l'a lâché comme dans une fosse aux lions, maintenant il doit y faire face et les battre, sans qu'on lui ait appris les rudiments du combat. Il se sent comme ça. Il sait qu'il ne peut compter sur lui-même, mais c'est compliqué quand on n'a même pas confiance en ses propres capacités.
Heureusement il y a Lucile. Mais parfois, comme ce lundi matin où il stresse avant d'aller à sa première journée de travail, il sait que les sourires de Lucile n'y feront rien. Il devra y aller seul, se débrouiller seul, comme n'importe qui. Parce qu'il doit devenir n'importe qui et ne plus être ce que l'on qualifie de « prisonnier ». Mais il n'y a pas de formation pour être un homme. Il y a juste la vie et le temps, mais lui n'a pas appris à vivre derrière les barreaux. Le nouveau monde le terrifie à chaque instant.
Lucile dort encore. Lui doit être à cinq heures trente au magasin, donc il est obligé de se lever quand il fait encore nuit. La veille Lucile avait bien proposé de se lever tôt elle aussi, mais Icare avait refusé. Il ne voudrait pas la fatiguer. Pourtant ce matin-là, au fond de lui, il aimerait un sourire de Lucile pour lui donner du courage afin d'affronter cette nouvelle épreuve de sa nouvelle vie.
Il s'est rapidement débarbouillé le visage dans la salle de bain, craignant son reflet avec des yeux entourés d'immenses cernes. Il n'a pas dormi de la nuit, tournant et virant au milieu des couvertures, et même si le lit lui est confortable, il avait soit trop chaud, soit pas sommeil, soit la boule au ventre en pensant au lendemain.
Forcément le réveil a été difficile, et Icare se retrouve à bailler ouvertement devant sa deuxième tasse de café. Il guette l'horloge de la cuisine avec une crainte étrange, sa gorge se serrant à chaque mouvement de la trotteuse. Alors quand celle-ci annonce cinq heures pile, Icare ne se sent pas bien du tout, et prend son manteau et ses chaussures sans une pointe d'envie.
Heureusement, marcher seul dans la ville de nuit l'apaise. Il n'y a personne pour le déranger, il ne croise aucun passant ou sinon de rares voitures. Il aime cette solitude en quelque part. C'est étrange. Lui qui vivait dans une prison bondée, il se met à craindre les foules de personnes.
Il arrive devant la grande surface que Lucile lui avait montré la veille. Elle lui avait indiqué le chemin aussi, et lui avait demandé s'il souhaitait qu'elle l'amène le matin plutôt qu'il ne marche. Icare a refusé instantanément. Il ne veut pas que Lucile ait à se lever tôt pour lui. Il a fait une erreur il y a dix ans. Il a franchi toutes sortes d'étapes avant d'en arriver là, et maintenant, Icare sait qu'il a à prendre sa vie en main, sans en demander trop aux autres. Il s'est tellement senti comme un poids pour la société pendant dix ans qu'il n'ose plus déranger quiconque.
Il discerne trois hommes qui discutent près d'une porte à l'arrière du bâtiment, et le stress vient à nouveau lui compresser la poitrine. Il tente d'avoir l'air serein quand il s'approche de ces trois inconnus. Ce qui pourrait le soulager, c'est qu'un d'eux s'avance tout sourire vers lui.
— Tu dois être Icare c'est ça ? lui demande-t-il d'une étrange voix joviale de si bon matin.
— En effet, murmure Icare, pouvant difficilement lutter contre le stress qui le gagne.
— Très bien. Je suis Sylvain, le patron. Enchanté. Là, tu as Carlos et Fabien, deux de tes collègues.
— Salut, répondent en cœur les deux hommes avec un signe de la main.
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Icare
Romance*Histoire contenant l'équivalent des Tomes 1 et 2* Lucile, jeune professeure d'histoire pétillante, ne pensait pas qu'elle remettrait toute sa vie en question suite à une simple rencontre. En effet, quand son amie, une infatigable libraire, lui dema...