La fin de semaine a été longue pour Lucile, et c'est donc avec soulagement qu'elle rejoint la maison de ses parents pour le week-end. Encore plus qu'auparavant, le nom d'Icare ponctue ses pensées, jusqu'à ses rêves. Enfin, ses cauchemars plutôt. Combien de fois, quand elle réussissait après de longues heures à fermer les yeux, elle se réveillait d'un coup, rêvant qu'un mystérieux jeune homme la poignardait sauvagement ? Plusieurs fois. Jamais elle ne distinguait son visage, uniformément noir. Il y avait juste ses yeux, envoutants et dangereux à la fois ; ainsi que les dessins sur des bras nus qui s'effaçaient sous le sang de sa victime.
Lucile a l'impression de devenir folle, et en même temps ridicule. Elle ne craignait pas Icare avant qu'elle sache la vérité sur lui. Pourtant, il a toujours été un meurtrier. Alors pourquoi faudrait-il que maintenant qu'elle connaisse son secret, elle se mette à le craindre ? Il ne lui fera probablement rien. C'est ce qu'elle aimerait croire.
Le samedi matin, Lucile se lève donc aux aurores pour aller donner un coup de main pour nourrir les chevaux restés à l'écurie, nettoyer quelques boxes et ramener ceux qui sont encore au pré pour les cours de la journée. Le samedi est toujours le jour de la semaine le plus chargé.
Niels accueille avec un grand sourire la moue ensommeillée de son amie. Lui a l'habitude de se lever au petit matin, même s'il fait encore nuit. Il est à peine sept heures et il a déjà servi les rations des chevaux de propriétaires.
— Salut Lulu ! Oula, quelle tête ! Heureusement que dans une semaine, c'est les vacances scolaires pour toi ! Quoique, cela signifiera que tu rentreras ici et tu seras dans l'obligation d'aider ton palefrenier préféré.
— Toujours le bon mot Niels, sourit la jeune femme.
C'est ça avec Niels. Il peut vous arriver la pire crasse du monde, où comme une déception passagère en apprenant que l'homme dont vous tombez amoureuse est un tueur, il arrivera à vous donner un sourire. Si Lucile rentre chaque week-end, si c'est surtout pour retrouver sa famille qu'elle aime tant, elle ne peut pas nier que la présence de Niels compte tout autant pour elle. Si cela fait trois ans, bientôt quatre, que le jeune homme a mis les pieds dans le centre équestre, sa présence est devenue indispensable.
Lucile se souvenait parfaitement de sa venue. C'était un matin pluvieux de mars. Lucile était au centre équestre ce samedi-là, parce que malgré ces études à la fac, elle devait venir aider ses parents à s'occuper de l'affaire familiale car l'ancien palefrenier était parti à la retraite, et l'autre avait des problèmes de dos et se trouvait dans l'incapacité de continuer un travail physique. Ajouté au fait que Solène, juste âgée de vingt-quatre ans et déjà maman de deux jumeaux énergiques à la maternelle, trouvait difficilement du temps entre son métier de monitrice et de jeune maman solo pour en plus se lever à l'aube s'occuper des animaux. Les parents de Lucile essayaient bien eux aussi de s'occuper de l'entretien des animaux, mais sa mère s'affairait aussi du secrétariat et de la comptabilité du centre à côté, et son père donnait des cours toute la journée. Et au milieu de ce fiasco, l'impossibilité de trouver un nouveau palefrenier. Le métier était certes physique, mais si on avait la passion, cela rendait toujours les choses plus agréables.
Alors ce jour-là, alors que Solène avait refilé ses jumeaux à son ex-compagnon pour le week-end et avait accepté de faire l'impasse sur une grasse matinée pour aider sa sœur à graisser le cuir des selles, elles avaient remarqué un jeune homme, de vingt-six à l'époque, arriver l'air hagard vers le haras familial.
Lucile avait froncé les sourcils, il était à peine huit heures, le jeune homme arrivait dans un vieux 4x4 plein de terre, quand il en était sorti, il avait empoigné deux énormes sacs de sport alors que la pluie se déversait sur lui, collant ses fines boucles brunes sur son front. Des cernes énormes barraient ses yeux rouges, comme s'il avait pleuré tout le long du trajet. Lucile avait arrêté sa tâche, et s'apprêtait à aller voir cet inconnu peut-être perdu dans la campagne, cherchant sans doute son chemin.
VOUS LISEZ
Icare
Romance*Histoire contenant l'équivalent des Tomes 1 et 2* Lucile, jeune professeure d'histoire pétillante, ne pensait pas qu'elle remettrait toute sa vie en question suite à une simple rencontre. En effet, quand son amie, une infatigable libraire, lui dema...