51 : Une vie sauvée.

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Icare ne sent plus son corps. Il a l'impression que son esprit et son organisme sont deux éléments à part, et que son cerveau n'a plus aucune commande sur lui.

Il ouvre les yeux par automatisme, mais il ne voit rien au début. Du blanc en relief, aux contours flous. L'oxygène qui lui parvient dans les poumons semble plus frais, plus pur. Il comprend qu'il est sous assistance respiratoire. Il se sent affreusement vide, comme s'il était aussi léger qu'un souffle ou que son âme. Il attend quelques minutes, dans un silence profond. Il se dit même qu'il est mort, au début. Il n'a jamais entendu un monde aussi calme. Puis peu à peu, quelques bruits lui parviennent, avant de se faire de plus en plus répétitifs. Ceux des machines, son cœur affaibli dont le rythme est mesuré à chaque instant.

Il comprend. Il n'a pas réussi. Alors il éclate en sanglots.

Il est perdu, complètement. Il pleure parce qu'il voulait mourir, parce que sa vie n'est qu'un putain d'affreux cauchemar. A chaque fois pourtant, cela se joue à un fil, mais échoue. Tout en lui est un échec. Et en même temps, il a cet étrange sentiment. Il lui prend dans le ventre, au plus profond des tripes. Il voulait mourir mais n'en est plus aussi sûr qu'avant. Il pourrait se demander ce qu'il a eu de plus entre-temps. Juste un petit « je t'aime », mais ça a réussi à le secouer. A le faire douter. A le sauver. Deux mots, qui semblent comme un le dernier rempart face à ses idées de mourir.

Il pleure toujours quand il sent deux mains essuyer ses joues et s'agripper contre ses épaules. L'odeur est familière, un doux souvenir. Elle remplace celle amère de l'hôpital.

—    Ne pleure pas, Icare, je suis là, murmure la voix.

Elle lui parlait souvent cette voix. Quand il était malade d'une bonne grippe, elle était comme aujourd'hui, assise à côté du lit, à veiller sur son corps malade.

—    Pa'...

—    Je suis là, fiston. Je suis là, le rassure ce dernier.

Icare ne dit rien, certes à cause de sa gorge obstruée par la tristesse, mais surtout parce qu'il n'y comprend rien. Pourquoi son père est ici, à l'hôpital ?





Icare reste un long moment à pleurer, sous les toucher doux de son père contre ses joues, essuyant ses larmes avant qu'elles ne viennent se perdre dans sa barbe. La vue lui revient de plus en plus clairement, mais il ne s'attarde pas trop sur ce qui l'entoure. Rien n'est plus ordinaire qu'une chambre d'hôpital.

Pourtant, son attention est attirée quand la porte de sa chambre s'ouvre, et qu'un infirmier accompagné d'un médecin arrivent.

—    On a vu sur les caméras que vous êtes réveillé depuis une petite demie heure, vous allez bien Icare Fargès ? demande le médecin.

Icare ne répond pas. Il ne sait pas s'il va bien. Il ne comprend pas tout ce qui s'est passé depuis qu'il s'est ouvert des veines dans une baignoire d'eau tiède.

—    Vous êtes encore épuisé, c'est normal. Votre père a veillé sur vous pendant deux jours.

Deux jours ? Icare ferme les yeux. Son père est resté à côté de son corps allongé, inerte, pendant quarante-huit heures ? Merde, mais quel fils imposerait ça à son père, rongé forcément par l'inquiétude ?

—    On a eu très peur monsieur Fargès. On a dû vous faire des transfusions sanguines. Cela s'est joué à peu de temps, continue le docteur.

Icare ouvre à nouveau les yeux, et hoche la tête dans un mouvement à peine perceptible. Il sent les doigts de son père qui serrent le bout des siens. Il remarque à ce moment-là qu'il est sous perfusion.

IcareOù les histoires vivent. Découvrez maintenant