CHAPITRE 62

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Les trams du Métro Londonien avaient reprit leur danse habituelle dans le labyrinthe de tunnels souterrains. À l'une des stations, les portes automatiques d'un wagon se refermèrent dans un glissement étouffé, avant que le moteur puissant ne se remette en route, tirant les voitures avec sa force mécanique. Le regard vide et triste, John se fraya un chemin à travers les passagers, avant de se laisser tomber sur une banquette libre.

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À la surface, sous un soleil pâle et timide qui éclairait le sommet des immeubles les plus hauts, une berline scintillante aux vitres teintées passa au feu vert, se frayant un chemin à travers la ville grouillante de monde, croisant Agnes qui marchait tranquillement le long d'un trottoir, casque audio sur les oreilles. Ses longues boucles brunes relevées en un chignon rapide, la jeune femme portait son éternel blouson en cuir noir et plusieurs livres volumineux entre ses bras, sa besace en bandoulière cognant doucement contre sa hanche à chacun de ses pas. Ses prunelles aussi sombres que les abysses se baladaient sans réfléchir tout autour d'elle, la fine pellicule endeuillée qui avait effacé l'étincelle de vie dans son regard semblant alourdir chaque parcelle qui croisait son chemin. La berline tourna à l'angle et la brunette continua son chemin.

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Au coeur du Club Diogenes, Mycroft était installé dans son fauteuil derrière son pupitre en train de consulter un dossier, l'absence de lumière extérieure donnant à son bureau dépourvu de fenêtres une allure stricte et froide, malgré la décoration sobre, tandis qu'à l'extérieur la berline ralentissait devant la grande bâtisse de style colonial.

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Sous la surface, les trams du métro continuaient leur lente ascension à travers le dédale de tunnels sombres. L'une d'elles s'arrêta à la station près de Baker Street, et John se leva de son siège pour sortir, remontant rapidement dans les rues lumineuses pour rejoindre le petit appartement en désordre où il avait autrefois habité.

Il traversa rapidement la route, jeta un regard furtif vers le premier étage où les rideaux étaient tirés à l'intérieur, et il retira ses gants en cuir tout en approchant du trottoir, où deux enfants emmitouflés dans leur manteau passaient en tenant une poussette sur laquelle était installé un mannequin en mousse, dont un ballon de baudruche orange brièvement griffonné en forme de visage au marqueur noir faisait office de tête.

_ Une pièce pour le feu de joie ? Lança un des garçons en s'adressant à une passante, qui fit non de la tête en continuant sa route.
_ Eh, M'sieur ! Appela le deuxième enfant en s'adressant à John, qui s'était arrêté devant la porte noire du 221B. Une pièce pour le feu de joie !
_ Une pièce pour le feu de joie ! Enchérit son ami, en voyant que le médecin ne répondait pas.
_ Une pièce pour le feu de joie !

John leur lança un regard un peu absent mais ne répondit rien, tout occupé à fouiller dans la poche de son jean pour trouver ses clés, et les enfants continuèrent leur route sans broncher, déjà en train d'alpaguer d'autres passants. L'ancien militaire sorti sa petite clé en les suivant un instant du coin de l'oeil, avant de déverrouiller la serrure et d'entrer.

Il referma la lourde porte après lui en faisant un pas dans le vestibule silencieux, jetant un regard vers l'entrée de l'appartement de Madame Hudson, avant de lâcher un soupir anxieux alors que l'atmosphère s'infiltrait dans son subconscient en faisant rejaillir des souvenirs douloureux.

Dans un écho discret qui résonna contre les parois de son crâne, il entendit en pensées le pincement mélodieux du violon de Sherlock, mêlé à une conversation qu'ils avaient partagé tous les trois. Relevant la tête vers le premier étage, l'ancien militaire se laissa un instant submerger par ce bref souvenir, se remémorant le rire cristallin de sa nièce rythmer sa voix et celle du détective.

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