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CHAPITRE 65

Devant le Kebab, Sherlock n'avait pas bougé, perdu dans ses pensées, son regard de glace rivé sur le sol et son mouchoir plein de sang encore chiffonné dans sa main. Il finit par s'éloigner du restaurant bien après que le taxi transportant John et Mary ait disparu, marchant tranquillement le long du trottoir, le bruit de ses pas résonnant contre l'asphalte de la rue déserte.

Il continua son chemin à travers Londres pour rejoindre Baker Street à pieds, savourant ses retrouvailles avec la capitale anglaise. Il n'y avait pas une once de vent et l'air était doux, accueillant. Les lumières nocturnes de la ville se reflétaient contre les buildings scintillants et endormis, et le Big Ben se dressait contre les étoiles, inébranlable, tout puissant. Des groupes de gens riaient et discutaient avec entrain aux terrasses des nombreux Pubs, savourant la fin de journée autour d'une pinte de bière fraîche en échangeant leurs péripéties de la semaine écoulée. Des véhicules descendaient les rues et avenues, leurs phrases illuminant les pans du long manteau du détective à leur passage alors qu'il se délectaient silencieusement de tout ce fourmillement familier qui reprenait doucement possession de son esprit.

Il finit par arriver devant le petit immeuble qu'il connaissait bien, s'arrêtant un instant devant la porte noire, hésitant, avant de tendre la main pour abaisser la poignée dorée. Il entra sans un bruit dans le petit vestibule silencieux, ses iris bleus électriques se levant immédiatement vers le palier du premier étage, où aucune lumière ne filtrait à travers la porte vitrée du salon, signifiant qu'Agnes n'était toujours pas rentrée.

Sherlock grimpa les marches en bois grinçantes, et il ouvrit la porte de son ancien appartement, pénétrant sans un bruit dans le salon obscur et en désordre, où la présence invisible et endeuillée de la jeune Watson le gifla en pleine face.

Elle était partout. Du désordre ambiant des petites pièces jusque dans les effluves discrètes de son parfum floral qui se baladait avait malice autour de lui. L'écran de veille de son ordinateur portable clignotait lentement dans l'obscurité, les lampadaires de Baker Street diffusaient avec une harmonie nonchalante leurs vibrations orangées sur chaque meuble et chaque objet de l'appartement, créant des contrastes saisissants.

Le détective s'avança lentement dans le salon, son esprit affuté analysant chaque recoin où se posait son regard de glace, son coeur se serrant un peu plus à chaque seconde alors qu'il se rendait compte de l'état psychologique de son ancienne colocataire. Des bouteilles vides d'alcool entassées dans l'évier rempli de vaisselle en compagnie de cendriers remplis de mégots, à l'amoncellement de livres en cour de traduction ou d'approbation posés sur le bureau à côté du MacBook. Le garçon remarqua le piano et les partitions griffonnées furieusement posées sur le pupitre, et son propre violon installé religieusement sur son ancien fauteuil en cuir, à la manière d'une relique sacrée.

Il continua prudemment son avancée au milieu des vestiges psychologiques de son amie, et il traversa le couloir qui menait à son ancienne chambre, poussant la porte entrouverte d'un geste de la main, avant de s'arrêter net, ravalant difficilement le sanglot brutal qui se coinça au fond de sa gorge.

Sur le lit défait où dormait à présent la jeune femme était posée en vrac une serviette de bain encore humide, et tout un tas de vêtements féminins trônaient ça et là en désordre, signe évident que Agnes avait depuis longtemps lâché le concept de rangement. Sur la commode, au milieu des produits de beauté dont elle se servait, il remarqua une chemise blanche pour homme pliée à la va-vite, certainement oubliée par un de ses amants d'une nuit qu'elle n'avait jamais eu l'occasion de revoir. Ou plutôt qu'elle n'avait jamais voulu revoir. Différentes effluves de parfums masculins se mélangeaient grossièrement, couvrant presque celui de la brunette, et Sherlock fronça les sourcils, l'esprit embrouillé et confus.