L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 1) : La forteresse de neige

25 ~Sylath

Il n'a pas échappé à l'immortel que son « hôte » est à nouveau sur la défensive. Bien plus que la veille. Il devine dans son regard qu'il réfléchit à toute vitesse, qu'il échafaude des plans. Il sait d'avance qu'il va lui refuser ce qu'il est sur le point de lui proposer, mais il sait aussi qu'il doit lui laisser du temps pour faire le deuil de son ancienne vie et réfléchir à ce qu'il lui offre.

— Je comprends ta colère, dit Sylath d'une voix d'un calme et d'un sérieux saisissants.

Son visage est fixe et pendant un court instant, il accuse ses quatre cents ans.

— J'aurais été furieux à ta place. Il est insoutenable de se voir imposer une vie que l'on n'a pas choisie. Mais tu apprendras. Il n'y a pas d'issue, Ila. Tu ne retrouveras pas la route pour regagner des terres habitées. Et même si tu profites de la lumière du jour pour t'enfuir, même si tu marches aussi loin que tes jambes peuvent te porter, même si tu effaces tes traces... je te retrouverai, et je te ramènerai ici. Ton destin est lié au mien à présent.

Dans la chapelle qui est voisine de la bibliothèque s'élève un chant sublime, l'hymne du Veilleur. Des voix de glace pure entonnent une mélodie triste, grave et profonde. Elle semble traverser les murs, les chairs, les âmes. Sylath l'a entendue des milliers de fois depuis l'époque où il était mortel, mais la noblesse solennelle de ces notes répétées par l'écho des hautes voûtes transperce son cœur arrêté.

— À moins que tu ne le veuilles pas, reprend-il. Tu es pour l'heure sous ma protection, mais je peux retirer ma main d'au-dessus de ta tête. Comme tous ceux qui ont reçu le don du Veilleur, le sang des mortels est mon seul aliment. Deviens mon Calice, Ilashan. Donne-toi à moi de ta propre volonté, je veillerai sur toi. Je ne prétends pas mesurer le prix de la vie que tu as perdue, mais je peux t'en offrir une nouvelle.