L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 1) : La forteresse de neige

162 ~ Ilashan

Ilashan ne peut s'empêcher de penser qu'être soulagé de toute souffrance n'est pas un prix assez grand pour acheter le libre arbitre d'un homme. Tout le confort du monde ne suffirait pas à le faire renoncer à sa liberté d'agir et de penser.

Il peut concevoir de se laisser aller, de temps à autre ; mais l'abandon total qu'implique l'esclavage le révulse au plus haut point, lui qui a passé toute sa vie d'adulte à aller où il voulait et faire ce qu'il lui plaisait.

Ilashan contemple un long moment le paysage enneigé avant que le froid ne devienne trop dur à supporter, même dans la pleine lumière du soleil. Le visage fermé, il suit Sylath sur le chemin du retour, dans les profondeurs de la forteresse. Les rayons du soleil percent derrière les épais rideaux et les vitraux, éclairant les couloirs sombres de nouvelles lueurs. Il fait bien meilleur ici, et ses membres retrouvent vite leur chaleur, au point qu'il finit par se délester de la cape de fourrure. Tout en scrutant les larges épaules de Sylath, devant lui.

— Qu'est-ce que ça changerait, si c'était le cas ? Ça n'a pas l'air de vous avoir perturbé jusqu'à maintenant.

Il lui semble que c'est un peu tard pour lui poser une question pareille, surtout après lui avoir fait tant de propositions plus ou moins poussées pour qu'il devienne son esclave et reste pour toujours dans la Forteresse. Sylath n'a jamais trop porté d'attention à sa vie d'avant.

Il ne va pas s'en plaindre, pas certain d'avoir envie de se dévoiler, encore moins auprès du vampire. Mais c'est pour lui symptomatique de la façon dont les vampires considèrent les humains ici, comme si tout ce qu'ils étaient avant n'avait plus d'importance, forcément bien plus dangereux et sombre que la vie que leur offre la Forteresse.

— Et puis je ne pense pas que ça vous intéresse vraiment.

Hormis la satisfaction de savoir qu'il n'y a rien ni personne qui attende vraiment Ilashan au dehors.

D'humeur maussade, il plie sa cape pour s'en délester, ainsi que ses bottes, alors qu'ils entrent dans les appartements de Sylath.