L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 1) : La forteresse de neige

165 ~ Sylath

Sylath retire ses bottes, retrousse les manches de sa tunique de lin sous son surcot de velours pourpre, et s'assoit en tailleur à côté de l'humain. Ilashan n'a pas claqué la porte pour regagner sa chambre, au contraire, il reste. Il a l'air sinistre et maussade, un peu las aussi, mais il reste avec lui. Et c'est un progrès presque aussi important que la morsure.

Un esclave apporte un plateau repas au mercenaire et Sylath le regarde vaguement sans envie. La nourriture l'ennuie comme la vue de la terre. C'est toujours de l'humain qu'il a envie. C'était tellement bon de le boire, tellement intense...

Comme à chaque fois qu'ils sont proches mais qu'il ne peut pas le toucher, il sent son propre désir enfler, sa peau doit être devenue pâle, sa vue se brouille un peu et ses crocs lui font mal.

Le mercenaire l'accuse d'être versatile et capable de l'oublier rapidement. Et ce que Sylath devine derrière cette accusation est troublant.

— Attention, Ila, on dirait presque que tu es jaloux. Chaque humain est unique, tu n'es pas plus remplaçable qu'un autre. Mais ce que tu es, l'effet que ta simple présence a sur moi... ce n'est pas quelque chose que je pourrais échanger.

Sylath a conscience de se mettre à nu, mais il a besoin d'être sincère parce qu'il n'a pas grand-chose à perdre. Ce n'est pas quand Ilashan sera parti qu'il sera temps de lui dire qu'il n'est pas quelqu'un de banal qu'on oublie. C'est surtout la solitude qui semble attachée aux pas de l'humain qui pousse Sylath à être honnête. Il a le sentiment qu'on n'a pas dû lui dire ce genre de choses assez souvent dans sa vie, s'il pense qu'il peut être remplacé par n'importe qui.

— Et je n'ai pas d'esclave attaché à mon service personnel, dit le vampire. Ce type d'esclave s'appelle un calice. C'est un humain choisi qui ne donne son sang qu'à un seul immortel et qui vit avec lui. C'est une place particulière, les autres vampires n'ont pas le droit de toucher aux calices qui ne leur appartiennent pas. Il y a toujours quelque chose d'unique dans ces relations ; l'échange de sang, quand il est exclusif, atteint un degré d'intimité d'une rareté et d'une intensité inimaginable. Il y a très longtemps que je n'ai pas partagé cela avec un humain.